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Le livre du chevalier de La Tour Landry pour l'enseignement de ses filles

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De ij. bonnes dames à mescreans.

Chappitre CIe.

Un autre exemple je vous diray de ij. bonnes dames qui estoient femmes de mescreans, dont l’une estoit femme au seneschal du roy Herodes. Celles bonnes dames suivoyent nostre seigneur et lui administroient son vivre. Si est bon exemple que toute bonne femme, bien qu’elle ait divers ou mauvais seigneur, ne doit pas pour tant laissier à servir Dieu et lui obeir, ainçois doit estre trop plus humble et devote pour empetrer grace de Dieu pour elle et pour son mary. Car le bien que elle fait amendrist le mal de lui et adoulcist l’ire de Dieu et leur garde leur bien et leur chevance. Car le bien que elle fait soubzporte son mal, si comme il est contenu ou livre de la vie des pères, là où il parle d’un mal homme et tirant, qui par iij. foiz fust sauvé de villaine mort pour la bonté de sa femme, dont il advint que, quant elle fut morte, il n’avoit plus qui priast Dieu pour lui et par ses grans pechiez, le roy du pays le fist mourir de male mort. Et pour ce est bonne chose et necessaire à mauvais homme d’avoir bonne femme et de sainte vie, et, de tant comme la femme sent son seigneur plus divers ou pecheur ou de male conscience, de tant a-elle plus grant mestier de faire plus grans abstinences et plus de biens pour Dieu. Car, se l’un ne portoit l’autre, c’est-à-dire le bien le mal, tout besilleroit ou yroit à perdicion. Et encores vous dis-je que l’obeyssance de Dieu et la crainte fut premier establie que mariaige ; car l’en doit premier obeir au createur, qui les a faiz à sa sainte ymaige et qui leur puet donner grace d’estre sauvés ou perdus. Et ainsi la loy commande que l’en ne doit pas tant obeir au corps ne estre en l’obeyssance de son seigneur que l’en ne obeisse premier au prouffit de l’ame, qui est un bien pardurable. Et dit la glose que toute bonne femme doit premièrement tirer au bien de l’ame de son seigneur et puis au service du corps. Car le bien de l’ame n’a pareil, et, se l’ame a bien, elle et ses enffans jouyront paisiblement et beneurement des biens du mort, et, se l’ame a tribulacion, aussi au contraire. Et ceste chose est vraye et esprouvée, comme il est contenu en plusieurs lieus en la sainte escripture, et pour ce fait bien adviser son seigneur de faire bien et le destourber de faire mal à son povoir. Car ainsi le doit faire toute bonne femme.

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