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Le livre du chevalier de La Tour Landry pour l'enseignement de ses filles

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Cy parle de charité.

Chappitre IIIIXXVIIe.

Je vous diray un exemple sur le fait de charité. Ce fust d’une fille au roy Pharaon, qui nourist Moïse, si comme je vous diray. Les Juifs, qui estoient pueple de Dieu, estoient en servaige comme prisonniers en Egipte, dont le roy Pharaon, qui estoit roy, pour ce que il vit que le peuple des Juifs craissoit trop, il luy en despleust et commanda que l’en occist touz les enffans d’un an. Et quant la mère Moyse vit que il convenoit que son filz feut mis à mort, sy le mist en un vaissel et l’envoia sur l’eaue, et alast à l’aventure où il plairoit à Dieu, comme celle qui grant pitié et grant douleur avoit de veoir occire son filz devant elle. Sy avint, comme il pleust à Dieu, que le vessel va arriver devant la chambre de la fille au roy Pharaon delez un prael, laquelle estoit en l’esbat en ce vergier avecques ses damoiselles. Sy virent celluy vessel arriver delès elles. Sy ala elle et ses damoiselles dedens le vaissel, et trouvèrent l’enffant enveloppé, qui à merveilles estoit bel. Sy le regarda la fille et en eut pitié, et le fist nourir en sa garde-robe moult chièrement, et l’appeloit son filz par bourdes, duquel enffant vint tant de bien ; car Dieu l’eslust et estably maistre et gouverneur de tout son pueple, et lui monstra moult de ses secrez, et lui bailla la verge de quoy il departy la mer et la reclost, et de laquelle il fist ystre eaue vive et doulce de la pierre. Et aussy lui bailla les tables de la loy, et moult d’autres grans amistiez il lui demonstra. Et de celle nourriture et cellui servaige la damoyselle en feust bien guerredonnée, car Dieu ne oublie pas le service que l’on lui faist pour charité comme nourrir les orphelins, car c’est un oeuvre de miséricorde que Dieux ayme moult, si comme il est contenu en la vie sainte Elisabeth, qui norrissoit les orphelins et les faisoit aprendre aucun mestier. Dont une bonne dame qui n’avoit enffant que ung, lequel s’en ala baingnier ; sy chey en une fosse et y fust viij. jours entiers, et sa mère estoit charitable à Dieu et à sainte Elisabeth ; dont il avint que, à l’uitième jour, la mère songea que son fils estoit en une fosse d’eaue, et que sainte Elisabeth le gardoit et lui disoit : « Pour ce que vous avez tousjours nourry et soustenu les orphelins, nostre seigneur ne veult pas que vostre enffant muire ne ne perisse. Sy le faites peschier. » Et lors la mère se leva et ala faire peschier son filz et le trouva tout sain et vif, dont l’enffant dist que une moult belle dame l’avoit tousjours gardé et lui avoit dit : « Dieu vieult que tu soyes sauvé pour la charité et misericorde de ta mère, qui voulentiers nourist et soutient les orphelins et les petis enffans. » Et pour ce a cy bon exemple comment l’en doit norrir les orphelins et les petis enffans qui en ont mestier, car c’est à merveilles grant aumosne et grant charité, et qui moult plaist à Dieu. Et de ce nous monstre exemple la bische et plusieurs autres bestes, qui, quant l’en a occis leur mère et leurs faons, demeurent sans nourreture, elles les norrissent de leurs bonnes natures jusques à tant que ils se puissent vivre tout par eulx.

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