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Le livre du chevalier de La Tour Landry pour l'enseignement de ses filles

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De la pitié et benignité de Nostre Dame.

Chappitre CXIe.

Après l’escripture la loue en ce qu’elle fut en Galilée en nopces et eust pitié pour ce que le vin y failly, et requist à son filz, aussi comme en soy complaignant que le vin estoit failly, et le doulx Jhesucrist eut pitié de la pitié de sa mère, si mua l’eaue en vin. Et pour ce a cy bon exemple comment toute bonne dame et bonne femme doit avoir pitié de ses parens et de ses povres voisins et leur aidier et secourir de ce que elle pourra avoir ; car c’est une grant charité et une franche nature. Après la doulce vierge adira son filz, lequel estoit alé disputer et preschier contre les saiges de la loy. Sy cuida la bonne dame que il feust monté ou ciel et que il s’en feust alé. Sy le queroit partout, et tant quist que elle le trouva ; et lui dist : « Beau filz, voz parens et moy avions grant paours de vous avoir adiré. » Et il respondit que ses parens estoient ceulx qui faisoient la voulenté de Dieu son père. Sy estoient les juifs et les saiges touz esbahis du grant sens que ilz trouvoient en lui, qui avoit si petit aage. Après cette douleur qu’elle cuida avoir perdu son filz, elle en eut une autre grant. Car, quant ilz le offrirent au temple, saint Syméon, qui moult l’avoit desiré à veoir et avoit touz jours prié Dieu que il ne mourust point jusques à ce que il eust veu à ses yeulx le filz de Dieu, et lors, par la grace du saint Esperit, il congnust Dieu et dist à haulte voix : « Vees cy la lumière et le sauvement du monde », et dist à sa mère que une foiz il lui seroit advis que un glaive lui perceroit l’ame et le cuer, c’estoit à dire que elle verroit sa sainte passion souffrir en la croix. Et pour ce a cy bon exemple à toute bonne dame et bonne femme que, quant la royne du ciel et du monde avoit douleur en ce monde, que nulle ne se doit esmayer ne esmerveiller si elle sueffre aucune mesaise, et se il lui viennent douleurs et tribulacions, puisque si haulte dame en souffry en ce chaistif monde. Et doncques en devons bien souffrir et avoir pacience, nous qui sommes povres pecheurs et pecheresses et qui desservons plus mal que bien, selon noz merites, et ne devons par rayson estre espargniez d’avoir aucunes foiz douleur et tribulacion, quant il ne espargna pas sa doulce mère.

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