Le livre du chevalier de La Tour Landry pour l'enseignement de ses filles
De la charité Nostre Dame.
Chappitre CXIIe.
Après les bonnes dames doivent estre piteuses et charitables comme la sainte dame qui donnoit pour Dieu et pour pitié le plus de ce qu’elle avoit, et à l’exemple de elle fist aussi sainte Elizabeth, sainte Luce, sainte Cecille et plusieurs aultres sainctes dames, qui estoient sy charitables que elles donnoient le plus de leurs revenues aux povres et aux mesaisiez, si comme il est contenu en leurs legendes, dont je vouldroye que vous sceussiez un exemple d’une bonne dame de Romme qui estoit à la messe ; elle resgarda delez elle une povre femme qui trembloit de froit par un fort yver ; la bonne dame en eut pitié et se leva de son siége, et appella privéement la povre femme et la mena en son hostel qui estoit près et lui donna son peliçon. Sy advint tel miracle que le prestre ne pouvoit sonner mot ne parler jusques à tant que la bonne dame feust revenue, et dès ce que elle feust revenue, la voix lui revint, et vit puis par advision la cause et comment Dieu se louoit à ses anges du don que la bonne dame lui fist. Sy a cy bon exemple à toute bonne dame d’estre charitable et aumosnière, et non pas laissier avoir froit, fain ne mesaise à ses povres voysins ne voisines de tout ce qu’elles pourront avoir mestier, selon leur povoir. Car c’est grant franchise de bonne nature et une chose qui à merveilles plaist à Dieu. Or vous ay-je parlé de la benoite vierge glorieuse, à qui nul ne s’appareille, et vous en ay pou parlé ; car trop seroit longue la matière à parler de tous ses faiz. Sy vous lairay de celle, quant en present, et vous diray des bonnes dames veuves de Romme, lesquelles, quant elles se tenoient seintement et nettement en leur vefveté, l’en les couronnoit par honneur en singne de chasteté. Sy seroit longue chose à vous racompter la bonté et la charité de elles et de leurs bonnes meurs. Sy vous ay parlé premièrement des bonnes dames qui furent avant l’advenement de nostre seigneur Jhesucrist, si comme il a esté trouvé en la Bible. Après je vous ay raconté d’aucunes bonnes dames depuis le nouvel Testament, c’est assavoir depuis que Dieu vint en la glorieuse vierge Marie, et aussi comment la sainte escripture loue les bonnes dames de cellui temps. Il est raisons que nous louons aucunes de ce temps où nous sommes ; si je vous en diray de chascun estat un ou ij. pour monstrer exemple aux autres ; car l’en ne doit pas celer les biens et l’onneur d’icelles, ne nulle bonne dame ne doit avoir desdaing, fors soy esjouir du bien et du bon racompter des bonnes dames. Premièrement je y mettray la royne Jehanne de France.