Le songe d'une femme: roman familier
CLAUDE DE LA TOUR A PAUL PELASGE
Nice, 15 novembre.
… Ne soyez pas surpris si je suis absente en ce moment. Une femme n'est pas toujours maîtresse de certains mouvements tumultueux. Mon amitié pour vous était plus vive que je ne le croyais, et je n'ai pu consentir à être témoin d'un mariage qui va diminuer et peut-être réduire à rien la cordialité déjà tendre, je l'ai imaginé, de nos relations. Prenez cela comme une crise de nerfs, comme une faiblesse féminine. Il faut s'évanouir parfois, pour ne pas crier. Quand je serai revenue à moi, je connaîtrai la qualité de ma souffrance; j'espère que je pourrai sourire. Je suis évanouie, je ne suis pas disparue. On me reverra, toujours la même, témoin indulgent des bonheurs que je n'ai pas su réduire en esclavage. Il faut donner tout pour avoir tout. Je n'ai jamais voulu échanger que des rêves et des paroles: c'est pourquoi je me promène seule sous le soleil de l'automne…