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L'ami : $b dialogues intérieurs

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LA QUESTION

L’Ami. — Au fond, la question des questions est celle-ci : L’Univers est-il vivant, ou bien est-il mort ? Si l’univers n’est qu’une grande mécanique, l’homme se sent plus grand que lui, par la pensée. Seul éveillé dans la nuit universelle, il est envahi par l’atroce angoisse qui doit saisir, dans la tombe, les malheureux enterrés tout vivants. L’homme voit, l’univers est aveugle ; l’homme entend, l’univers est sourd ; l’homme pense, l’univers pèse. Comment celui-ci peut-il être l’enfant de cela ? Rien n’est fatal et strict comme un mécanisme. Par quelle dérogation à sa loi a-t-il enfanté son contraire ? Si l’univers est mort, l’homme est inexplicable. Il n’a pas de père. Nous sommes en plein miracle, en pleine incohérence plutôt.

Croyons donc au monde vivant ! L’esprit besogne au fond des choses. Ce n’est pas une hypothèse surajoutée. C’est l’essentiel.

Pourquoi crier à l’anthropomorphisme ? Que prétend-on dire de sérieux en affirmant que notre Dieu est à notre image ? Tout ce qui passe par notre pensée ne se reproduit-il pas à notre image ? C’est humainement que vous parlez de la cellule, et non comme en parlerait une cellule elle-même. C’est humainement que vous pensez de Dieu, et non comme il se connaît lui-même. Quoi d’autre est possible ? Serait-ce une faiblesse ? Non, c’est une force. Dès que vous faites effort pour penser comme si vous n’étiez pas des hommes, mais des pierres, des gaz, des molécules, vous tombez en dessous de vous-même. Votre univers prend je ne sais quel aspect gauche et artificiel, qui distingue le mannequin de l’homme vivant. C’est une misère et une pitié.

Ayons donc le courage d’être des hommes, de penser comme des hommes ! Par quoi d’autre, mieux que par nous-mêmes et les trésors infinis concentrés en nous, apprendrions-nous lentement à remonter vers notre source ? Croire en Dieu, c’est humain. Et plus notre Dieu sera largement, simplement, saintement humain, plus il sera divin, en route du moins vers la divinité mystérieuse et secourable qui emprunte, pour nous parler, les signes à notre portée.

Vers le Père ! Tout est là. Accumulez les pouvoirs, mettez en faisceau les majestés, que l’esprit rayonne, que l’infini s’entr’ouvre, rien n’est assez beau ni assez grand ! Mais tout cela n’est que la frange de son manteau. Allez au cœur même, vous trouverez le Père !

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