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L'ami : $b dialogues intérieurs

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PATIENCE

L’Ami. — Je t’enseignerai la patience de tous les instants. Il est possible de garder le calme, au sein de la bourrasque.

— Connais-tu ce pénible résultat du frein longtemps opposé à l’indignation ? On se domine, se retient ; mais on se ronge intérieurement. Les eaux montent, montent, et tout à coup la digue se rompt, et le débordement est pire que s’il n’y avait pas eu de digue.

L’Ami. — Ne t’arrête pas là ! C’est un accident d’apprenti. Il te passera. Pour l’apprenti, la patience est un effort qui lasse ou surexcite. Car il est patient malgré lui. Une fois que nous avons appris la bonté préalable, nous sommes patients par tempérament nouveau, et la patience devient un repos.

— Je la voudrais, cette paix profonde du cœur ; j’en ai soif. Mais qui donc la possède ?

L’Ami. — Elle vient de Dieu, par les fils du grand amour et de la grande confiance.

— Hélas ! où sont-ils ?

L’Ami. — Partout où une semence de vie éternelle a germé dans une âme. Je t’en parlerai, non en fervent d’une doctrine exclusive, appliqué à établir qu’un seul milieu est capable de les fournir, mais en observateur qui les a vus vivre un peu partout, dans de grandes différences de latitude et de doctrines. Une transformation s’est accomplie en eux, qui a mis toutes choses au point. Ils ont vu clairement ce qui importe et compte, et ne sont plus embarrassés du reste. De leur moi inférieur, notre pire ennemi à tous, ils ont délogé vers le moi supérieur où la vie consiste à aimer. D’esclaves, ils sont devenus libres ; de tremblants, ils sont devenus fermes, amarrés au roc, ne passant plus leur temps à attendre ou à redouter des événements. Leur cœur est à l’abri. Mais ce ne sont pas des formules toutes faites qui les ont sauvés du néant des jours perdus et de la stérile agitation qui fait notre malheur. Un rayon de douce lumière est tombé dans leur âme, de lumière si riche qu’il leur en est resté un reflet pour toujours. Ils ont bu à la source qui désaltère à jamais, et perdu le goût de boire à celles que les hommes entre eux se disputent. Ils n’ont plus craint ce que redoute la foule, ni placé leur amour dans ce qui périt. La paix a inondé leur âme, leur donnant la patience. Ils sont devenus calmes, et sentent que l’essentiel est à l’abri.

Ces hommes, entre eux, ne se ressemblent pas. Chacun est une création nouvelle. Et cependant, qu’ils se connaissent ou non, quelque chose leur est commun : ils ont le don de calmer et de pacifier. Il est rare qu’on se dispute en leur présence. Ils paraissent, et les mauvais sentiments se taisent.

Ils sont respectueux aussi de l’âme humaine. Subjuguer, endoctriner, commander n’est pas leur affaire. Et pourtant, par une force intérieure et sans contrainte, les cœurs vont à eux comme tend la plante vers la lumière.

En eux, cette parole de la montagne s’accomplit : « Heureux les pacifiques, ils posséderont la terre ! »

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