L'ami : $b dialogues intérieurs
DERNIÈRE HEURE
De ma dernière heure, il en sera comme Dieu voudra. Pourvu que la grâce me soit conservée qui nous tient lieu de toute chose.
Et pourtant certaines morts sont belles et font envie. Pourquoi suis-je ému en lisant, parmi les « faits divers », le cas de ce pauvre camelot, mort en criant son journal ?
L’Ami. — C’est parce qu’il est mort à son poste, en faisant son œuvre. Il nous rappelle le coureur de Marathon, mourant en annonçant la victoire. Il rappelle cet héroïque ami Herrmann Krüger, continuant à donner ses leçons d’hébreu, malgré le cancer qui lui dévorait la figure. Ceux-là meurent debout, et c’est bien ainsi qu’on aimerait mourir. Mais n’importe ! N’ayant pas le choix, demandons seulement que la paix nous demeure, et acceptons le régime de grande misère, de faiblesse complète, avec l’esprit comme soutien ! Au surplus, ne perdons pas, à penser à la mort, le temps réclamé par la vie ! Les jours perdus sont un mauvais oreiller pour s’endormir.
J’aime à penser à ceux qui ont beaucoup et simplement souffert. Pauvre demoiselle J…, qui a souffert pendant vingt ans ! Quand ses amis allaient la voir, navrés, elle les réconfortait. Celle qui n’avait plus qu’un souffle remettait à leur aise les gens bien portants, troublés et déconcertés par ses longues souffrances. Ces exemples-là m’électrisent. Dans les faibles, l’Esprit est fort.