L'ami : $b dialogues intérieurs
OÙ EST LA VÉRITÉ ?
L’Ami. — La Vérité dont l’homme se nourrit, ne peut exclusivement appartenir à aucun des domaines dont lui-même relève, ni dans ces domaines à aucune des provinces, ni dans ces provinces à aucun des clochers. On ne saurait nous demander de vivre par la pensée dans un univers, ramené aux proportions d’un système philosophique, d’une doctrine religieuse exclusive, ou d’une conception scientifique. Car toutes les théories clochent, et tous les catéchismes sont borgnes. Que si, pour sortir des catéchismes, on nous conduit vers les sciences naturelles, nous changeons de prison. Quelle prétention de vouloir nous faire vivre dans un univers chimique et mécanique, nous qui pensons ! Nous lui appartenons pour une part ; mais nous le savons, et nous en souffrons. Et c’est la preuve que nous n’en sommes pas, de cette grande mécanique. Ceux qui en sont pour de bon, ne le savent pas et n’en souffrent pas : ils sont chez ceux.
Non, quelque intéressante que soit l’histoire à nous contée par les pierres et les plantes, elle ne suffit pas pour expliquer l’homme à lui-même. Consulter les singes et les fourmis, mène plus loin, mais il reste beaucoup de chemin à faire, avant d’arriver au but.
Si nous ne savions pas, par expérience intérieure, que le cerveau sert à penser, nous en serions encore à l’ignorer. Si l’invincible pente de nos esprits ne nous conduisait à considérer chacun comme responsable, en une certaine mesure, de ses actions, nous n’aurions pas encore découvert qu’il y a du bien et du mal. On ne peut tirer ces notions d’aucune cornue, ni les mettre à découvert par aucun scalpel. Pour se renseigner sur l’humanité, il faut s’adresser à elle, dans les meilleurs de ses membres. La vérité sur nous, notre but, notre devoir, notre destinée se trouve dans la conscience de nos frères supérieurs. De leur idéal, de leurs pensées mises en commun, du trésor de leurs actes, peut venir le plus de lumière sur notre nature et notre conduite. C’est là aussi qu’est, pour l’humanité, l’aboutissant, la synthèse de tout ce que nous possédons de renseignements sur l’univers, le véritable foyer de la révélation.