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L'ami : $b dialogues intérieurs

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PRÉFACE
DE LA 7e ÉDITION

Après avoir envisagé un moment le projet d’ajouter à l’Ami un chapitre sur les événements actuels, j’ai fini par y renoncer. Mieux vaudra, quelque jour, faire sur ce redoutable sujet un livre spécial.

Mais je ne peux pas laisser s’achever la réimpression et laisser partir le volume, sans quelques lignes d’accompagnement. Se taire serait une ingratitude envers Dieu, qui a donné à l’auteur la grâce d’écrire ces pages, et envers les hommes qui, en ayant éprouvé l’effet, ont trouvé juste de le déclarer.

L’Ami est un livre de douleur et de foi. Il a été bon à d’innombrables âmes meurtries à qui le soulagement intérieur naît de la sainte communion des peines. Rompre le pain ensemble, dans la fraternité que crée la misère humaine, est le grand remède que Dieu a mis à la portée de ceux qui souffrent. Le Christ l’a élevé à la hauteur d’un sacrement éternel. De tout mon être, je magnifie Celui qui m’a permis d’expérimenter dans les jours mauvais, et de faire expérimenter à mes semblables la vérité du vieux symbole, à nous transmis par le Prophète Daniel : Où deux ou trois hommes souffrent ensemble, en frères, il apparaît, parmi eux, dans la fournaise, mystérieux et secourable, « un quatrième dont la figure ressemble à celle d’un fils des dieux ».

On ne peut pas exiger de chacun qu’il avertisse l’auteur, lorsqu’un livre a produit sur lui un effet salutaire ; mais sachez, vous qui avez senti le désir de parler et n’avez pu vaincre votre hésitation, sachez qu’à celui qui travaille pour les autres, quelques signes de vie sont nécessaires.

Que de fois, en des jours où nous nous demandons si notre labeur est utile à quelqu’un, le courrier m’a-t-il apporté à cette question une réponse réconfortante ! Venus de près ou de loin, de très loin quelquefois, j’ai toujours vu, dans ces messages de lecteurs, un appel direct, aussi bien humain que providentiel. Quelquefois l’appel prenait une forme singulièrement émotionnante.

En 1904, à Chicago, un inconnu vint me trouver : « Est-ce bien vous qui avez écrit l’Ami ? — Oui ! — Alors j’accomplis un devoir en témoignant que c’est par ce livre que Dieu m’a sauvé. Ayant perdu en un seul jour, dans l’affreux incendie de l’Iroquois-Théâtre, ma femme et mes enfants, j’étais fou de désespoir et prêt à me tuer. Quelqu’un me donna ce livre. Je le jetai machinalement parmi d’autres, et sans même le regarder. Un jour, je ne sais pourquoi, je le feuilletai, et je tombai sur une page qui m’en fit lire une autre. Je compris que mon amour pour mes chers envolés exigeait que je vive et fasse en leur souvenir tout le bien dont j’étais capable. Dieu m’avait arrêté, par votre main, au bord du gouffre, et montré le chemin où maintenant j’essaie de monter. »

N’aurait-on reçu qu’un seul signe de ce genre, c’est la preuve suffisante qu’on n’a ni souffert, ni travaillé en vain.

Amis, dont plusieurs, par discrétion, ont voulu rester anonymes, je saisis cette occasion pour vous dire à tous : merci !

Jeunes gens à la recherche du droit chemin et d’une conviction solide ; pèlerins surmenés par les épreuves, isolés, malades, prisonniers, et vous, soldats de France, qui m’avez écrit de la ligne de feu, je pense à vous. Vous avez fait infiniment plus que vous ne supposez, en vous souvenant fraternellement de l’homme dont la pensée a pu s’associer à la vôtre. Ainsi vous rendiez grâces à Dieu, à travers l’instrument dont il s’est servi pour vous offrir les miettes de pain de vie.

Pieusement, je pense à vous aussi, amis envolés, qui désormais habitez au séjour de la Paix divine. Vos lettres d’autrefois me sont maintenant les messagers d’au delà de la tombe, et jettent un rayon sur nos sentiers crépusculaires. Plusieurs d’entre vous ont lu l’Ami, aux heures suprêmes de leur existence mortelle. Les pages marquées par leurs mains défaillantes sont devenues des reliques de famille.

Livre de douleur et de foi, l’Ami est, de plus, un livre de bonne foi. Sa sincérité va jusqu’à la hardiesse, mais il a trop le respect du sanctuaire intérieur, pour froisser une conscience. Par sa largeur d’esprit, il a trouvé accès dans les milieux les plus divers. Que de fois, par son moyen, des esprits éloignés les uns des autres se sont rapprochés ! Le beau rêve qu’il porte en lui, de « la haute et lumineuse Église qui ne connaît pas d’anathème » a été réalisé dans les cœurs de tant de lecteurs, qu’on peut bien dire qu’il a trouvé ici et là, en des occasions inoubliables, un accomplissement intérieur.

En pleine et affligeante réalité, nous avons le droit de saluer, dans ces faits spirituels, les promesses d’un avenir plus beau.

Et maintenant, pars pour des destinées nouvelles, Ami des jours passés, avec qui, en ce présent formidable, il m’a été si doux de deviser encore ! Que Dieu bénisse ton entrée dans les demeures, et ton action dans les âmes, surtout dans celles, travaillées et chargées, qui ont besoin qu’on les aime, les comprenne, les fortifie.

Ch. Wagner.

Août 1917.

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