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L'ami : $b dialogues intérieurs

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OSE ÊTRE !

(Félix Pécaut.)

— Combien il est donc difficile de se retrouver au milieu des attaques, des critiques, surtout lorsque la crainte de se tromper nous anime ! Si les adversaires étaient des hommes mauvais, dépourvus de lumières, on n’aurait que la douleur d’être assailli par l’injustice, ou d’être mal compris. Mais se trouver combattu par d’honnêtes gens, de braves cœurs, et des têtes éclairées, quelle épreuve ! L’honnêteté des antagonistes m’impressionne. Je sens la force de leurs arguments. Parfois je voudrais qu’ils aient toute la vérité, pour pouvoir leur rendre les armes.

L’Ami. — Attention ! La fauvette dit son chant, la rose donne son éclat. As-tu vu pour cela l’alouette renoncer à sa mélodie, l’œillet quitter sa parure, afin de leur devenir semblables ? Prends exemple ! Tu comprendras alors que d’aucuns aient raison de te combattre, et toi, de leur résister. Votre devoir à tous est de vous affirmer dans ce que chacun a de plus individuel, afin de réaliser le maximum d’utilité pour l’ensemble. Prends garde à toi ! Donne ta couleur, fais vibrer ta note ! Tu es là précisément pour cela. Reste ferme, remplis ta fonction : sois toi-même et sois vrai ! Vrai surtout, dans ta pensée, dans l’expression par laquelle tu la traduis. Avec la plus parfaite vénération envers le trésor traditionnel, le plus filial attachement au passé, fuis, comme la peste, les conventions vides, choses mortes qui font mourir ! Évite les ornières de la vie où les meilleures forces s’embourbent ; les ornières de la pensée qui font dévier du chemin droit ! Être soi-même, être sincère, donner sa pensée authentique, voilà le salut !

Mais qui donc est simple, limpide ? Qui donc ose l’être ? Qui donc a compris que la vérité sauve ? qu’elle seule est forte, belle, puissante ? L’avenir germe et veut naître ; mais le poids du mensonge l’écrase. Chacun suit sa sagesse myope, son intérêt mal vu, le mirage d’une grandeur illusoire. Pourtant une seule chose est sage, nous importe vraiment et nous fait grands : être un témoin sacrifié et heureux de cette vérité qui fait vivre tout ce qui meurt pour elle. Ne te laisse intimider par personne ! Trace en paix ton sillon !

Ne dis pas non plus : il en viendra de meilleurs, de plus forts après nous, des jeunes gens, des hommes nouveaux, nos fils peut-être. Est-ce là ton affaire ? Renvoyer au jour de demain est mauvais. Plus mauvais encore est de remettre à l’avenir et laisser le présent s’écouler stérile. C’est faire acte de médiocre citoyen envers la cité d’aujourd’hui comme envers la cité future. Comment la fleur pourrait-elle paraître, si le bourgeon ne se forme à son heure ? Et toi, bourgeon obscur où s’agite et se prépare ce qui doit être un jour, te trouveras-tu trop petit pour oser accomplir ton œuvre ? Si aujourd’hui ne fait pas la tâche d’aujourd’hui, comment naîtra l’avenir ? Il périra dans l’embryon.

Courage ! c’est par la splendeur intérieure du feu sacré que vivent les pionniers, non par l’éclat de l’œuvre accomplie et du succès. Qu’ils marchent par la foi ! Une voix les a appelés, qu’ils répondent : « Nous voici ! » Qu’ils suivent la consigne sans s’occuper des commentaires ! Sans doute, le semeur d’avenir, humble ouvrier, peut se dire : Qui suis-je pour accomplir cette œuvre ? Mais un plus grand inspire le semeur et lui répond : « Ne crains rien, je suis avec toi ! » Le monde est plein de mystères, l’histoire pleine d’énigmes. L’Esprit souffle où il veut. Cela te regarde-t-il ? Laisse-le agir en toi ! Il nous rend capables d’accomplir des œuvres qui nous dépassent de toutes parts.

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