← Retour

Les amours du temps passé

16px
100%

V
MÉMOIRES DE M. DE VOLARI, OU L'AMOUR VOLAGE ET PUNI

Deux parties, à la Haye, 1746.

Livre bête comme chou. M. de Volari aime Finette, la nièce d'un petit ecclésiastique; après l'avoir rendue mère, il la quitte pour une donzelle dont il a fait la rencontre en Provence. Un jour qu'il trouve cette belle occupée sur le seuil de l'auberge à regarder les passants, il lui décoche ce madrigal longuement et péniblement enroulé: «En vérité, madame, vous n'avez guère de charité pour votre prochain; l'amour, qui est en embuscade dans vos beaux yeux, va blesser de ses traits tous ceux qui passeront par ici. Soyez plus généreuse, et pour ne pas faire des maux que vous ne voudriez sans doute pas guérir, profitez de la beauté du jour et venez respirer avec moi l'air de la promenade hors des portes de la ville.» On a beau s'appeler M. de Volari, il me semble qu'une telle phrase ne doit point être facile à prononcer; et, pour ma part, je ne m'engagerais point, même avec un petit manteau bleu de ciel sur l'épaule, à la débiter tout d'une haleine.

Néanmoins, ce style fait impression sur la belle inconnue, qui, après quelques façons, se laisse insensiblement conduire dans un petit bois «qui semblait avoir été créé pour le mystère.» Mais au lieu des Amours et des Ris dont M. de Volari espère y trouver le cortége, il n'aperçoit qu'un farouche Espagnol, tyran de la dame, qui les a suivis en donnant tous les signes de la plus sourde rage. M. de Volari tue ce Fabricio et demeure avec l'aventurière sur les bras. Ils voyagent, ils se racontent mutuellement leur histoire, et ils se font raconter celle des gens avec qui ils nouent connaissance. Ce procédé pourrait se continuer à l'infini, il faut donc savoir quelque gré à l'auteur de l'avoir restreint à deux volumes. Qu'on ne s'étonne point d'ailleurs de la piètre invention de ces romans-voyages, uniformément coulés dans le même moule; à toutes les époques, il se produit sept ou huit ouvrages destinés à servir de patron à toute une génération écrivassière. Au dix-huitième siècle, ces ouvrages typiques s'appellent Gil Blas, les Lettres persanes, Manon Lescaut, Candide, Clarisse Harlowe et le Paysan perverti; ils ont engendré tout ce qui s'est produit après eux.

Chargement de la publicité...