Les amours du temps passé
XXI
MA JEUNESSE
Quatre parties.
«Ce fut un mardi que, sortant de l'Opéra, encore extasié des attitudes légères de nos Terpsichores, mes pas me conduisirent au jardin du Palais-Royal, où, bientôt après, je vis arriver un objet enchanteur qui depuis longtemps fixait mes désirs. Léonore (c'était son nom de guerre) était parée élégamment; sa taille et son maintien frivole ne laissaient rien à souhaiter; ses regards volaient de toutes parts et annonçaient le désir de plaire, souvent la certitude d'y réussir. Affectant toujours de passer à côté d'elle, mes regards enflammés, accompagnés chaque fois d'un sourire, la forcèrent de rompre un silence qui lui pesait sans doute autant qu'à moi.—Ai-je donc quelque chose de ridicule, me dit-elle, qui vous oblige, monsieur, à m'observer de la sorte? Ma réponse fut prompte, en lui disant:—Le sourire, mademoiselle, est presque toujours l'effet du plaisir.» Cette entrée en matière ne se soutient pas longtemps; les amours deviennent vulgaires et même mélodramatiques: à Léonore succèdent Lise, Ninon, Ursule, Sézine, Victoire, Bibiane. Et puis, l'éternel couvent! les éternelles nonnes! avec cette différence que le héros, au lieu de se travestir en femme ou en abbé, s'habille en médecin, ce qui est aussi vieux, mais moins amusant. Ma Jeunesse, dont le style est inégal, se fait lire avec impatience; c'est trop de quatre parties: on n'est pas jeune pendant si longtemps, ou bien on l'est davantage.