Les amours du temps passé
IX
LE ROMAN DU JOUR
Pour servir à l'histoire du siècle. Deux parties; à Londres, 1754.
Ce roman est le plus étonnant du monde, en ce sens que les peintures galantes qu'il offre au début sont interrompues soudain par des discussions théologiques et des expériences d'alchimie. Tout à l'heure il ne s'agissait que de madame Saint-Farre, charmante en robe de taffetas bleu, sur sa chaise longue; de la comtesse de Liges, en corset de nuit et en jupe de mousseline brodée; de madame Damonville, jeune veuve très-sujette aux distractions; maintenant il s'agit des jésuites, de la pierre philosophale, des schismes d'Orient et d'Occident, et cela pendant un demi-volume. L'auteur, dont le but me paraît difficile à comprendre, si tant est qu'il ait eu un but, cite sans propos Alciat, Paul Diacre, Jornandès, Eneas Sylvius dans son Histoire de Bohême, Rodolphe Hospinianan, Dumase dans la Vie de Marcelle, Œcolampade, Faustus Socinus, Léon l'Isaurien et Ezydès, roi des Arabes. On dirait un savant à qui l'on a enjoint, en guise de pensum, d'écrire un roman gaillard, et qui, sa tâche terminée, revient avec délices à ses études dogmatiques.