← Retour

Chronique du crime et de l'innocence, tome 2/8: Recueil des événements les plus tragiques;...

16px
100%

PUNITION
DE QUELQUES STRATAGÈMES CRIMINELS.

Le 14 mai 1585, par arrêt du grand conseil, Montaud, gentilhomme gascon, l'un de ceux que le roi avait choisis pour gardes de sa personne, fut décapité en place de Grève. Il avait accusé le duc d'Elbeuf de lui avoir offert dix mille écus pour tuer le monarque; ne pouvant fournir des preuves à l'appui de cette dénonciation, il fut mis à la question et confessa que «mensongèrement il avait avancé ce propos, pour tirer de la bourse de Sa Majesté quelques bonnes sommes de deniers, à raison d'un tant important et signalé avertissement.»

Lucian du Cerf, dit La Fortune, soldat et ensuite cordonnier, se présenta le 2 novembre 1628, au palais de la reine-mère, s'adressa au lieutenant de ses gardes, désirant parler à Sa Majesté, pour lui donner avis d'un projet formé contre la vie du roi, contre celle de la reine-mère et de la reine régnante. Il disait que le sieur de Beaumont, demeurant à Cerf-Fontaine, à trois lieues de Saint-Quentin, l'avait excité à venir à Paris pour empoisonner leurs majestés, et lui avait même donné le poison dans une fiole. Lorsqu'on vint à la recherche des preuves, on découvrit que ce La Fortune avait tramé cette fourberie pour se venger du sieur de Beaumont qui lui avait donné un coup de pied, et pour attraper quelqu'argent. Il fut condamné à être pendu, et mourut en place de Grève.

Le 11 octobre 1629, le roi sortant de son carrosse pour aller à la chasse à Fontainebleau, on entendit tout-à-coup un murmure confus de voix: «Voilà, disait-on, un homme que l'on vient de tuer d'un coup de pistolet, proche la chambre de madame la princesse de Conti.» Sa Majesté ordonna à l'instant au prevôt de l'hôtel et au chevalier du Guet qui était près d'elle, de voir ce que ce bruit signifiait. Ils trouvèrent un homme tout ensanglanté qui leur dit, qu'un quidam dont le dessein était d'attenter à la personne du roi, s'étant fait connaître à lui, et craignant d'être dénoncé, lui avait tiré un coup de pistolet, lorsqu'il s'efforçait de l'arrêter. Ce fourbe fut interrogé et convaincu de s'être blessé lui-même, dans l'espérance de quelque récompense; on le condamna à mourir sur la roue. Il se disait prince géorgien, et confessa dans les tourmens qu'il était Calabrois.

Jean Balouseau, dit le Saint-Agnel, né à Saint-Jean-d'Angéli, dont il empruntait le titre de baron, après plusieurs friponneries, se procura l'entrée du Louvre, et parvint à parler à Louis XIII. Il supposa que quarante gentilshommes français, pensionnaires du roi d'Espagne, révélaient à ce dernier les secrets de l'état; et qu'un certain Génois, résidant à Bruxelles, avait conspiré contre la vie du roi de France. Balouseau fut mis à la Bastille, où les lieutenans civils et criminels instruisirent son procès; la sentence portait que, pour ses impostures, ses perfidies et l'abus de quatre mariages reconnus, il serait pendu en place de Grève: ce qui fut exécuté en 1626. Il mourut avec assez de courage, en avouant qu'il avait, par ses fourberies, tiré de l'argent de plusieurs princes, et sous le nom sacré du mariage, abusé de quatre femmes qu'il laissait toutes quatre veuves.

Le 6 janvier 1761, le sieur Paul-Réné du Truche de Lachau, écuyer, ci-devant garde-du-roi, étant de service et en habit d'uniforme, entre neuf et dix heures du soir, mit à exécution, dans le château de Versailles, le roi soupant à son grand couvert, le détestable projet par lui formé dès le mois d'octobre précédent, de faire croire qu'il avait été assassiné par des gens qui en voulaient à la personne du roi. Il s'était retiré à cet effet dans un escalier, où, après avoir éteint la lumière qui l'éclairait, et avoir cassé son épée, il s'était percé lui-même en différentes parties du corps avec un couteau qu'il avait fait aiguiser par un coutelier de Versailles, et dont il s'était légèrement blessé, quoique ses habits se trouvassent coupés en tous les sens. En cet état, il s'était couché par terre, avait appelé à son secours et faussement dit à deux gardes-du-corps qu'il avait été assassiné par deux particuliers qu'il supposait être vêtus, l'un en habit ecclésiastique, l'autre en habit vert, lesquels après lui avoir demandé de les faire entrer au grand couvert, ou de les faire trouver sur le passage du roi, lui avaient, sur son refus, fait connaître leurs mauvais desseins, en disant que leur motif était de délivrer le peuple de l'oppression, et de donner la force convenable à une religion anéantie. Enfin, Lachau persista durant plusieurs jours, tant verbalement que judiciairement, dans son imposture. Cette affaire causa une grande rumeur. Plusieurs citoyens furent arrêtés comme soupçonnés d'être les particuliers que le fourbe avait faussement désignés pour ses assassins; enfin, convaincu de son insigne fourberie, Lachau fut condamné au dernier supplice.


Chargement de la publicité...