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Chronique du crime et de l'innocence, tome 2/8: Recueil des événements les plus tragiques;...

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URBAIN GRANDIER,
CURÉ DE LOUDUN, BRULÉ VIF COMME MAGICIEN.

Vers la fin de l'année 1632, le bruit se répandit dans Loudun, en Poitou, que les religieuses ursulines de cette ville étaient possédées du diable. A cette nouvelle, grande rumeur parmi le peuple, toujours si crédule, surtout à l'égard des choses les plus extraordinaires et les plus absurdes. On cria au sortilége, à la magie, et plusieurs prêtres usèrent de toute leur influence pour propager cette opinion. L'un d'eux, Jean Mignon, directeur de la communauté des Ursulines, attribua cette possession, prétendue diabolique, à Urbain Grandier, curé et chanoine de Loudun, et l'accusa hautement de sorcellerie. Mignon trouva de zélés co-accusateurs dans le clergé du pays et parmi les plus notables habitans de Loudun. Les capucins de cette ville, ennemis secrets de Grandier, trouvèrent à propos, pour faire réussir l'accusation, de s'appuyer de l'autorité toute puissante du cardinal de Richelieu. Ils écrivirent à cet effet au père Joseph, leur confrère, qui, comme confesseur du cardinal-ministre, jouissait de toute sa confiance, que le curé Grandier était l'auteur d'un libelle intitulé la Cordonnière de Loudun, très-injurieux pour la personne du cardinal de Richelieu. Bientôt, par suite des conseils du père Joseph, le ministre manda au conseiller d'état Laubardemont, sa créature, occupé alors de la démolition des fortifications de Loudun, de faire une information soigneuse et détaillée de l'affaire des religieuses ursulines, et il lui donna assez à entendre qu'il souhaitait de perdre Urbain Grandier.

Cependant le prêtre Mignon et ses adhérens poursuivaient avec activité l'œuvre qu'ils avaient entreprise, disaient-ils, pour la plus grande gloire de Dieu. Des exorcismes avaient lieu fréquemment en particulier comme en public. Interrogés en latin, les démons possesseurs des religieuses, répondaient dans la même langue; seulement il leur échappait souvent des barbarismes et autres fautes grossières qui auraient pu faire mettre en doute la science universelle des puissances de l'enfer. Mais dans tous ces interrogatoires, le curé Urbain Grandier était désigné comme le magicien qui avait donné à ces démons l'ordre d'entrer dans les corps des Ursulines possédées.

Fidèle à ses instructions, et surtout docile aux volontés de son maître, Laubardemont fit arrêter Grandier au mois de décembre 1633, et, après avoir fait une ample information, dans laquelle les rapports de Mignon et de ses amis jouaient le principal rôle, il retourna à Paris pour se concerter avec le cardinal. Ce ne fut que le 7 juillet 1634 que des lettres patentes furent expédiées, à l'effet de procéder au jugement de Grandier. Ces lettres étaient adressées à Laubardemont et à douze juges des siéges voisins de Loudun, tous gens de bien, il est vrai, mais tous d'une crédulité extrême, et pour cette raison choisis par les ennemis de Grandier. Le choix de cette commission ne laissa plus douter du sort que l'on réservait à l'accusé. Cette forme de jugement a toujours été féconde en arrêts de mort.

Le 18 d'août 1634, sur la déposition d'Astaroth, diable de l'ordre des séraphins et chef des démons possédans, d'Éasas, de Celsus, d'Acaos, de Cédon, d'Asmodée, de l'ordre des trônes, et d'Alex, de Zabulon, de Nephtalim, de Cham, d'Uriel et d'Achas, de l'ordre des principautés; c'est-à-dire sur la déposition des religieuses qui se disaient possédées par ces démons, les commissaires rendirent leur jugement, par lequel maître Urbain Grandier, prêtre, curé de l'église Saint-Pierre du marché de Loudun, fut déclaré dûment atteint et convaincu des crimes de magie, maléfice et possession; pour la réparation desquels crimes il fut condamné à faire amende honorable et à être brûlé vif avec les pactes et caractères magiques, et ses cendres jetées au vent.

A peine l'arrêt fut-il rendu, qu'on envoya un chirurgien dans la prison avec l'ordre de le raser et de lui enlever tout le poil qu'il avait à la tête, au visage et sur toutes les parties du corps, même de lui arracher les sourcils et les ongles. Cette opération avait pour but, disait-on, de découvrir quelques marques du diable. L'infortuné, plein d'une noble résignation, se livra docilement aux mains du chirurgien; toutefois celui-ci, plus humain que les juges, ne voulut jamais lui arracher les ongles. Cette cruauté lui faisait horreur.

On n'essayera pas de prouver qu'Urbain Grandier était innocent des crimes pour lesquels on le condamnait; ce serait faire injure aux lecteurs de ce siècle. A l'époque dont nous parlons, la magie, comme le remarque le savant Ménage, était le crime ordinaire de ceux qui n'en avaient point, et que l'on voulait perdre. Mais avant de passer outre, il est bon, dans l'intérêt du malheureux Grandier, de faire connaître les motifs réels de l'acharnement de ses accusateurs.

Urbain Grandier, fils d'un notaire royal de Sablé, avait fait d'excellentes études à Bordeaux, chez les jésuites, qui, après son ordination, lui avaient fait donner la cure de Saint-Pierre de Loudun et une prébende dans celle de Sainte-Croix. La jouissance de ces deux bénéfices lui suscita dès l'abord un grand nombre d'envieux. Il réunissait aux agrémens de toute sa personne beaucoup de politesse dans les manières et un grand charme dans la conversation. La nature l'avait doué d'une éloquence vive et naturelle, dont on trouve la preuve dans l'oraison funèbre de Scévole de Sainte-Marthe, qu'il a composée. Ses succès dans la prédication excitèrent la jalousie de quelques moines de Loudun; et cette jalousie se tourna bientôt en haine, lorsqu'il eut prêché sur l'obligation de se confesser à son curé au temps pascal. Ses ennemis, dont la rage épiait, empoisonnait toutes ses actions, profitèrent de cette circonstance pour l'accuser d'être aimé des femmes et de les aimer. Il est vrai de dire qu'il ne serait pas, à beaucoup près, aussi facile de le laver de cette accusation que de celle de magie. Urbain Grandier, avec une imagination vive, ardente, un extérieur agréable, devait porter un cœur sensible; et l'on sait que ces avantages sont des hôtes bien peu compatibles avec la chasteté imposée aux prêtres. Il demeure bien prouvé qu'il avait formé plus d'une liaison au moins fort suspecte sous ce point de vue. Mais, quelque blâmable que fût la conduite de Grandier, quel est celui d'entre les autres prêtres qui, sans passion, aurait osé lui jeter la première pierre?

Vers le même temps, Grandier, ayant sollicité l'emploi de directeur des Ursulines, les calomnies redoublèrent; on insinua qu'il ne briguait ce poste que pour faire de cet asile de la pudeur le théâtre de ses plaisirs. On l'accusa même d'avoir séduit des femmes dans l'église dont il était curé, circonstance qui jeta la terreur parmi bon nombre de maris.

Grandier était fier et hautain, caractère peu propre à désarmer ses ennemis. On l'avait vu triompher sans aucune mesure du gain de plusieurs procès, qu'il avait eus avec des prêtres et des particuliers du pays. En 1629, l'officialité de Poitiers, informée de ses galanteries, l'avait condamné à jeûner au pain et à l'eau pendant trois mois, et prononcé son interdiction pour cinq ans dans le diocèse, et dans la ville de Loudun pour toujours. Grandier ayant appelé de cette sentence comme d'abus, fut déclaré innocent par le présidial de Poitiers. Alors, triomphant, il insulta ses ennemis avec beaucoup de hauteur. Mais des adversaires que l'on méprise et que l'on brave n'en sont bien souvent que plus redoutables. La vengeance de ceux de Grandier couva quelque temps pour éclater ensuite avec plus de violence.

Alors se prépara cette comédie des possédés, qui devait avoir un résultat si tragique pour le malheureux curé de Loudun. Le prêtre Mignon, secondé par d'autres personnes, exerça les religieuses Ursulines à jouer le rôle de possédées, avec les contorsions, grimaces et convulsions les plus propres à représenter les opérations des démons. On leur apprit les réponses qu'elles auraient à faire aux questions qui leur seraient adressées en latin pendant la cérémonie de l'exorcisme; on voulait imposer, non seulement aux gens simples et crédules, mais encore, s'il était possible, aux esprits forts. Pour déterminer les religieuses à se prêter à l'exécution de cette farce infernale, on allégua la gloire de Dieu, qui exigeait qu'on purgeât l'église d'un débauché, d'un scélérat tel que Grandier. On leur persuada que cette action leur donnerait en France une grande réputation, attirerait à leur couvent une grande abondance d'aumônes, et les ferait passer de l'indigence où elles gémissaient dans une heureuse situation, dont elles goûteraient les douceurs. Ainsi la superstition d'un côté, et l'intérêt de l'autre, concoururent à favoriser les projets de vengeance de la cabale ameutée contre Grandier. Toute cette intrigue fut révélée au public, après la mort de ce malheureux, par plusieurs religieuses, qui, cédant aux remords de leurs consciences, déclarèrent que tout ce qu'elles avaient dit n'était que calomnie; qu'elles avaient accusé un innocent, et que cette accusation leur avait été suggérée par Mignon et par d'autres ecclésiastiques.

Si l'on s'étonnait de voir le nom et l'autorité du cardinal de Richelieu dominer toute cette affaire aussi barbare que ridicule, que l'on sache que ce puissant ministre, qui dominait tout en France, était dominé lui-même par son confesseur, le père Joseph, capucin; que ce religieux, qu'on surnommait l'éminence grise, à cause de son grand pouvoir, avait pris très-chaudement le parti de ses confrères de Loudun, et n'avait rien négligé pour allumer le ressentiment du cardinal contre Grandier, en lui rappelant qu'avant qu'il fût ministre, et dans le temps qu'il n'était encore que prieur de Coussay, ce curé de Loudun lui avait disputé le pas dans une cérémonie. Richelieu ne pardonnait jamais, pas même le soupçon d'une injure. Aussi choisit-il Laubardemont pour instruire et juger cette affaire: c'était assurer sa vengeance. Laubardemont s'était déjà signalé dans des commissions de ce genre, et plus tard il servit encore les vengeances du cardinal de Richelieu dans les jugemens qui firent tomber les têtes de Cinq-Mars et du célèbre de Thou. C'est ce juge inique et complaisant, c'est cet homme de sang qui disait: «Donnez-moi une ligne la plus indifférente de la main d'un homme, et j'y trouverai de quoi le faire pendre.»

Aussi le procès de Grandier fut-il conduit de la manière la plus révoltante. Outre les prétendues possédées, on entendit des témoins apostés, entre autres deux femmes qui déposaient avoir eu un commerce criminel avec lui, et l'une d'elles déclara qu'il lui avait proposé de la faire princesse des magiciennes. Six autres femmes et soixante témoins déposèrent d'inceste, d'adultère, de sacrilége commis par le curé; on poussa l'absurdité jusqu'à l'accuser de s'être introduit de jour et de nuit dans le couvent, et, confronté avec les religieuses, il ne fut reconnu par aucune d'elles.

Avec des accusateurs et des juges comme les siens, Urbain Grandier n'avait aucune grâce à espérer; il ne lui restait plus qu'à mourir. Le 18 août 1634, jour du jugement, fut aussi celui de l'exécution. Après avoir été cruellement rasé, comme on l'a vu plus haut, on le revêtit d'un mauvais habit, et on le plaça dans un carrosse qui le conduisit au palais de Loudun, où étaient tous les juges et une très-grande affluence de peuple. Le greffier frémit en lui donnant lecture de son arrêt; mais lui, maître de son âme, l'entendit sans changer de visage; puis, prenant la parole, il protesta de son innocence, déclara qu'il n'avait jamais été magicien, et qu'il ne connaissait point d'autre magie que celle de l'Écriture sainte, qu'il avait toujours prêchée.

A peine eut-il achevé, que Laubardemont fit retirer tout le monde, et eut une longue conversation avec Grandier, lui parlant bas à l'oreille. Il lui dit ensuite, d'un ton haut et fort sévère, que, s'il voulait engager ses juges à tempérer la rigueur de son jugement, il devait révéler les noms de ses complices. Grandier répondit avec fermeté qu'il n'en avait point et, qu'il n'en pouvait avoir, puisqu'il était innocent.

On se prépara à lui donner la question ordinaire et extraordinaire. On mit les jambes du patient entre deux planches de bois qu'on laça étroitement avec des cordes; entre les planches et les jambes on introduisit d'abord quatre coins pour la question ordinaire, puis quatre autres pour la question extraordinaire, et les bourreaux les firent entrer à coups de marteau. Des récollets, peu satisfaits sans doute du zèle des exécuteurs, prirent eux-mêmes le marteau pour torturer Grandier. Plusieurs fois il s'évanouit; les tigres le faisaient revenir en redoublant ses tourmens. On cessa de frapper les huit coins quand les jambes du patient tombèrent en lambeaux sanglans, et que l'on vit sortir la moelle de ses os brisés. Grandier conserva tant d'empire sur lui-même, et s'éleva tellement au-dessus des douleurs les plus aiguës, qu'il ne lui échappa pas une seule parole de murmure, ni même de plainte contre ses ennemis.

Après la question, on l'étendit sur le carreau, et là il déclara de nouveau publiquement qu'il n'était pas magicien; il avoua qu'il n'avait eu qu'un tort, celui d'être trop sensible au pouvoir de l'amour, et qu'il avait composé son livre du Célibat des prêtres pour vaincre les pieux scrupules d'une fille qu'il aimait depuis sept ans; mais il refusa constamment de nommer cette personne, quoiqu'on l'en pressât vivement. Il fut transporté ensuite dans la chambre du conseil, et on le mit sur de la paille auprès du feu. Ayant demandé pour confesseur le gardien des cordeliers, on ne fit aucun cas de sa demande, et on lui présenta un récollet, qu'il refusa, disant que c'était son ennemi et l'un de ses plus ardens persécuteurs.

Ainsi il ne put faire qu'une confession mentale, circonstance qui, eu égard aux croyances religieuses du temps, rend encore plus atroce la barbarie des juges. Laubardemont s'enferma avec lui plus de deux heures; mais, malgré tous ses efforts, il ne put jamais lui faire signer un papier qu'il lui présenta. On a lieu de penser que ce magistrat inique, prévoyant que le public jugerait à son tour le jugement qu'il venait de rendre, voulait faire signer son apologie par sa victime.

Sur les cinq heures du soir, l'exécuteur fit enlever Grandier sur une civière, et dès qu'il fut hors du palais, on lui lut de nouveau son jugement, puis on le mit dans un tombereau pour le conduire aux églises où il devait faire amende honorable. Pendant cette cérémonie, où il eut à supporter les injures et les mauvais traitemens des moines qui l'entouraient, le père Grillau, qu'il avait demandé pour confesseur, l'aborda et lui dit: «Souvenez-vous que notre seigneur Jésus-Christ est monté au ciel par la voie des souffrances; vous avez de grandes lumières, employez-les au salut de votre âme. Je vous apporte la bénédiction de votre mère. Nous implorerons pour vous la miséricorde divine, et nous croyons avec confiance qu'elle vous recevra dans le ciel.» Ces paroles ranimèrent l'infortuné, et il remercia le cordelier avec un visage doux et serein. Alors les archers poussèrent avec violence le père Grillau dans l'église, et Grandier fut conduit à la place Sainte-Croix, lieu du supplice.

On lui avait promis deux choses qu'on ne lui tint pas: la première, qu'il aurait la liberté de parler au peuple; la seconde, qu'on l'étranglerait; mais toutes les fois qu'il voulait ouvrir la bouche et élever la voix, un exorciste lui jetait une si grande quantité d'eau bénite sur le visage, qu'il en était suffoqué. L'exécuteur le plaça sur un cercle de fer qui était attaché à un poteau. Une troupe de pigeons étant venue voltiger autour du bûcher, sans que les hallebardes des archers pussent parvenir à les en chasser, ceux qui croyaient Grandier réellement magicien, disaient que c'étaient des démons qui venaient le secourir; ceux d'une opinion contraire répliquaient que ces oiseaux, étant le symbole de l'innocence, venaient ainsi rendre hommage à celle de Grandier. Enfin il arriva qu'une grosse mouche, de l'espèce des bourdons, vint voltiger et bourdonner autour de la tête du patient, ce qui donna lieu à un moine de dire que cette mouche n'était autre que Belzébuth qui rôdait autour de Grandier pour emporter son âme aux enfers. Il se fondait sur ce qu'il avait ouï dire qu'en hébreu Belzébuth signifiait le dieu des mouches.

Par un raffinement de cruautés bien digne des moines de ce temps, les exorcistes, pour empêcher que Grandier ne fût étranglé comme on le lui avait promis, avant que le bûcher fût allumé, avaient fait plusieurs nœuds à la corde. Lorsque l'exécuteur se disposa à mettre le feu, Grandier rappela la promesse qu'on lui avait faite, et haussa lui-même la corde, voulant se l'accommoder autour du cou. Le père Lactance, l'un des plus ardens promoteurs de la persécution dirigée contre Grandier, prit un brandon de paille allumée, et le porta au visage de Grandier en lui disant: «Ne veux-tu pas te reconnaître, malheureux, et renoncer au diable? Il est temps, tu n'as plus qu'un moment à vivre.—Je ne connais point le diable, répondit Grandier; j'y renonce et à toutes ses pompes, et j'implore la miséricorde divine.» Alors, sans attendre l'ordre du lieutenant du prevôt, ce religieux furibond fit publiquement l'office de l'exécuteur, en mettant le feu au bûcher. Grandier, sans s'émouvoir de cette nouvelle barbarie, lui dit tranquillement: «Ah! où est la charité, père Lactance? ce n'est pas ce qu'on m'avait promis. Il y a un Dieu qui sera ton juge et le mien: je t'assigne à comparaître devant lui dans le mois.» Puis, s'adressant à Dieu, il s'écria: «Mon Dieu! je m'élève vers vous, ayez pitié de moi!» Ce furent ses dernières paroles. Alors les exorcistes recommencèrent à lui jeter leur eau bénite au visage. Le peuple cria à l'exécuteur qu'il étranglât le patient; mais on n'en put venir à bout, parce que, par suite de la cruelle précaution des moines, la corde était nouée, et que les progrès des flammes ne permettaient plus d'approcher du bûcher. Ainsi Urbain Grandier fut brûlé vif.

Telle fut l'issue de cette œuvre de la méchanceté des hommes. Toutefois la mort de Grandier ne ferma pas la bouche aux diables; ils continuèrent à se donner en spectacle, et ce fut pour leur confusion. Plusieurs personnes considérables de la cour, entre autres le comte de Lude et la duchesse d'Aiguillon, dévoilèrent ces ignobles jongleries et leur ôtèrent toute créance. Le père Lactance mourut juste un mois après Grandier, ainsi que celui-ci le lui avait prédit; ce qui sembla donner un nouveau lustre à l'innocence de cet homme infortuné, qui ne tarda pas à être proclamée hautement par plusieurs des religieuses possédées. D'autres ennemis de Grandier périrent aussi fort misérablement; effet de la justice de la Providence, qui, lorsqu'elle permet le mal, se réserve presque toujours le soin de le punir.

«On sait assez, dit Voltaire, que le procès des diables de Loudun et du curé Grandier livre à une exécration éternelle la mémoire des insensés scélérats qui l'accusèrent juridiquement d'avoir ensorcelé des ursulines, et ces misérables filles qui se dirent possédées, et cet infâme juge-commissaire Laubardemont qui condamna le prétendu sorcier à être brûlé vif, et le cardinal de Richelieu qui, après avoir fait tant de livres de théologie, tant de mauvais vers et tant d'actions cruelles, délégua son Laubardemont pour faire exorciser des religieuses, chasser des diables et brûler un prêtre.»


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