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Les amours de Faustine : $b Poésies latines traduites pour la première fois et publiées avec une introduction et des notes par Thierry Sandre

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XXI
AD POLYDORUM DE FAUSTINA

Docte, quem primum Polydore nobis
Præpotens junxit nemorum Diana,
Vinculo sed mox propiore vinxit
Innuba Pallas :
Me fluens humor cerebro malignus,
Febris atque ardens et anhela tussis
Jam decem totis retinet diebus
Membra trahentem.
Non mihi dulcis latices Lyæi,
Sed sitim sedant medicata nostram
Pocula, atque imas penitus perurit
Flamma medullas.
Auget hunc ignem Veneris favilla,
Et Puer sævo metuendus arcu,
Nostra qui durus graviore fixit
Pectora telo.
Me suis urit facibus puella,
Quam ferus clausam retinet maritus,
Dum suæ raptum metuit rapinæ,
Nostraque tela.
Et quis in tali timidus puella
Non foret, qualem (Polydore) magna
Ante nec vidit, puto, nec videbit
Roma puellam ?
Sive nigrantes oculos comasque,
Frontis aut latæ niveum nitorem,
Seu genas spectes roseas, rosisque
Picta labella.
Seu magis tractes geminas papillas,
Quas suis fecit manibus Cupido,
Quæque non una tulimus beati
Gaudia nocte.
Dum fovet molli tepidum lacerto,
Dum levi murmur ciet et susurro,
Dum micat lingua, et varias per artes
Improba ludit.
Hanc Jocus semper comitatur, ipsi
Alites circumvolitant Amores,
Gratia, et Lusus, Venerisque semper
Turba ministrat.
Hæc meos febris populatur artus,
Hic meas ignis furit in medullas,
Sævus ut late furit in patentes
Sirius agros.
Hanc juvat tota, Polydore, Roma
Persequi raptam medios per ignes,
Quæ decem digna est repeti per annos
Vindice dextra.

XXI
A POLYDORE, A PROPOS DE FAUSTINE

Docte Polydore[14], qu’unit d’abord à moi la toute puissante Diane, déesse des forêts, mais que m’attacha bientôt d’un attachement plus étroit la chaste Pallas,

une humeur maligne me coule du cerveau, une fièvre ardente et une toux qui m’essouffle m’accablent depuis déjà dix jours entiers, et je me traîne avec peine.

Ce n’est pas avec les liqueurs de l’agréable Bacchus que j’apaise ma soif, mais avec des potions médicinales, et une flamme me brûle profondément, jusqu’à la moelle.

De plus, ce feu s’accroît sous l’étincelle de Vénus et par la faute de l’Enfant qu’il faut craindre et dont l’arc est mauvais, car le cruel m’a percé la poitrine d’un trait assez douloureux.

Je brûle à cause d’une jeune femme dont les yeux sont des tisons. Un brutal la tient enfermée : son mari, parce qu’il redoute de se voir enlever ce qu’il enleva lui-même, et parce qu’il a peur de mes traits.

Mais qui ne serait pas craintif devant une pareille jeune femme ? Pour grande que soit la ville, Polydore, on n’a jamais vu, je pense, et ne verra jamais dans Rome une telle jeune femme.

Regarde, elle a les yeux noirs, et les cheveux aussi ; son front large a l’éclat de la neige ; ses joues sont rosées ; et les roses colorent ses lèvres délicates.

Ou plutôt, touche ses tétins jumeaux : ils ont été sculptés par les mains de Cupidon. Ah ! que de joies nous avons goûtées dans notre bonheur, pendant plus d’une nuit !

Tantôt elle me réveille et me réchauffe dans ses bras si doux ; et tantôt, en soupirant, elle m’invite avec de légères tendresses ; tantôt elle s’anime de la langue, et, variant ses inventions, tente des jeux hardis…

Cette Faustine, le Plaisir toujours l’accompagne ; il y a même des Amours ailés qui voltigent autour d’elle, et la Grâce et les Jeux et l’escorte de Vénus, toujours, sont à son service.

Voilà la fièvre qui ravage mes membres, voilà le feu qui se déchaîne dans mes moelles, et c’est comme l’âpre canicule déchaînée sur les campagnes sans défense.

Cette Faustine qu’on m’a prise, Polydore, il faut qu’à travers Rome tout entière on la poursuive, et jusqu’au milieu des flammes, car elle mérite qu’on mette dix ans pour la reconquérir d’une main vengeresse.

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