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Les amours de Faustine : $b Poésies latines traduites pour la première fois et publiées avec une introduction et des notes par Thierry Sandre

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AD FABULLAM CUR AMATORIA NON SCRIBAT

Quod nullos faciam, Fabulla, versus
(Quamvis tot faciam, Fabulla, versus)
Qualeis, qui populo suos amores
Lascivis nimium explicant libellis,
Miraris, tetricum et vocas poëtam,
Rugosum nimis, et nimis Catonem,
Subinde hoc repetens Catullianum :
Nam castum esse decet pium poëtam
Ipsum, versiculos nihil necesse est.
Sed nobis aliter quidem videtur,
Nec vatem decet esse tam pudicum,
Qui versus faciat parum pudicos.
Nam quid turpius est, Fabulla, quæso,
Si gallum hunc facias, Deo salace,
Cui versus decet esse prurientes ?
Scimus quid sit Amor, Fabulla, scimus :
Estque in versiculis bonus Cupido
Nostris plurimus, et Venus jocosa,
Blando quæ docuit sonare plectro,
Dum nostris licuit bonis fruisci,
Et nostras Domina fovente flammas,
Ignis mollibus arsit in medullis.
Nunc nos læta fugit juventa, nosque
Divexant animi æstuantis undæ,
Et curæ vigiles, metusque sævi,
Omnes qui Veneres, Cupidinesque,
Lusus, nequitias, sales, jocosque,
A nostris abigunt, Fabulla, Musis.
Quare quod superest, Fabulla bella,
Si quid te lepidi juvant libelli,
Quos scripsit manibus suis Cupido,
Dictarunt Charites, canunt poëtæ,
Ediscunt juvenes, tenent puellæ,
Et quos ipsi etiam audiunt libenter
Senes frigiduli, gravesque matres,
Aut tu nostra legas nimis pudica,
Aut tu nos facias minus pudicos.

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A FABULLA, POURQUOI IL N’ÉCRIT PAS DES VERS ÉROTIQUES

Parce que, Fabulla, je ne fais pas des vers (et cependant, Fabulla, je fais tant de vers !) comme ceux qui exposent au public leurs amours en de petits livres extrêmement licencieux, tu es étonnée, tu déclares que je suis un poëte sombre, par trop sévère et par trop Caton, et tu répètes aussitôt ces paroles de Catulle : « Certes, il faut qu’un poète qui se respecte soit chaste de sa personne, mais cette qualité n’est pas indispensable à ses petits vers. »[20]

Mais moi, à dire vrai, je pense autrement, et qu’il faut qu’un poète ne soit pas si réservé dans sa vie, s’il veut faire des vers qui ne soient pas trop réservés. Hé ! qu’y a-t-il de plus indécent, Fabulla, je te le demande, que de faire un eunuque[21], sous l’excitation de son dieu, de celui qui doit écrire des vers brûlants d’impudeur ?

Je sais ce que c’est que l’amour, Fabulla, je le sais. Dans mes petits vers, on a vu souvent le bon Cupidon, et la plaisante Vénus, car elle m’apprit à jouer de la lyre qui charme ; et cela dura tant que j’ai pu jouir de mon bonheur, tant que ma maîtresse entretint ma flamme, et que le feu fut ardent en mes moelles dociles.

Mais aujourd’hui, les joies de la jeunesse m’abandonnent. Je suis tourmenté par les houles d’un cœur qui s’agite, par des soucis toujours en éveil et par des inquiétudes cruelles, soins qui chassent tout, Vénus et Cupidons, jeux, voluptés, débauches et plaisirs, et les éloignent, ô Fabulla, de mes Muses.

C’est pourquoi désormais, charmante Fabulla, si tu aimes les petits livres mignards qu’écrivit de ses mains Cupidon même, ceux que dictent les Grâces et que chantent les poètes, ceux qu’apprennent les garçons et que possèdent les filles, ceux qu’entendent volontiers aussi les vieillards déjà glacés et les sévères mamans, de deux choses l’une : ou bien contente-toi de lire mes vers que tu trouves trop réservés, ou bien fais ce qu’il faut pour que je sois moins réservé.

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