L'épopée blanche
Lettre de Son Eminence le Cardinal Dubois, Archevêque de Paris.
Paris, le 26 novembre 1925.
Monsieur,
Votre Epopée Blanche n’a pas besoin, en guise de prologue, de la Lettre-Préface que vous désirez.
Le titre lui-même de votre ouvrage l’explique dès la première ligne, et, avec vous, nous pénétrons d’emblée, in medias res : je veux dire en pleine activité apostolique, dans ces contrées de l’Extrême Nord où rayonnent, où triomphent la foi et la charité des Oblats de Marie Immaculée.
Quiconque aura fait avec vous les premiers pas, ne vous quittera plus. Avec vous, il voyagera sur ces terres désolées à la suite de ces conquérants d’âmes qui bravent le froid, la faim, la neige, les fleuves et les lacs glacés, les solitudes immenses, la barbarie des hommes, pour étendre toujours plus loin le règne de l’Evangile et les bienfaits de la civilisation chrétienne.
Quels courageux apôtres ! Quelles nobles âmes ! Et quels bons Français ! Vous en citez quelques-uns, héros magiques de votre Epopée. Ceux-là, ce n’est pas la passion qui les hante, ni l’amour des richesses, ni la recherche des honneurs, ni l’ambition. Comme ils dominent ces misères, ces hommes vraiment grands parce qu’ils sont « les hommes-de-la-prière » des hommes de Dieu.
J’en ai connu, j’en connais encore quelques-uns : et je me sens saisi d’admiration pour des missionnaires comme les Grandin, les Grouard, pour ne citer que ceux-là, mes compatriotes et la gloire de notre pays sarthois, de leur Congrégation et de la France entière.
Le Gouvernement français s’est honoré en décorant de la Légion d’honneur le vénérable évêque d’Ibora qui, après plus de soixante ans d’apostolat, continue à quatre-vingt-cinq ans sa vie véritablement épique de missionnaire, prédicateur, défricheur, fondateur et par-dessus tout bienfaiteur très dévoué de ces lointaines populations qu’il chérit comme ses enfants.
Chargé de porter vous-même à Mgr Grouard la croix si bien méritée, vous avez vu à l’œuvre non seulement le vieil évêque, mais tous ses frères. Et ce que vous avez vu, vous le racontez en une série de tableaux où l’on sent vibrer vos sentiments de sympathie, d’admiration, de fierté.
Les âmes de vos lecteurs, Monsieur, vibreront avec la vôtre : pas un, j’en suis sûr, ne résistera au charme prenant de votre livre — livre « de bonne foi », où parlent seuls les hauts faits de vos héros — des religieux, fils de la Douce France.
Que la France, fière de leurs travaux, leur redevienne accueillante et fraternelle !
Veuillez agréer, Monsieur, avec mes félicitations bien vives, l’assurance de mes sentiments tout dévoués.