L'épopée blanche
Lettre de Son Eminence le Cardinal van Rossum, Préfet de la Propagande.
Rome, Palais de la Propagande,
ce 30 décembre 1925.
Monsieur,
Les magnifiques esquisses que vous avez réunies et que vous allez éditer sous le titre suggestif de l’Epopée Blanche, ne laisseront pas de faire une profonde impression sur tous ceux qui auront le bonheur de vous lire. Le cadre de style si vif et si riche dans lequel vous nous présentez ces tableaux de la vie des Missionnaires près du Pôle Nord, ne pourra que la confirmer et l’accroître davantage encore. Cette impression ne restera pas fugitive : elle aura des effets salutaires : bien plus, même, les plus implacables adversaires de tout ce qui a encore une apparence de religion, ne pourront refuser leur admiration à ces héros qui, pour atteindre leur idéal, approchent des dernières limites du sacrifice, puisque, disant adieu à tout et se privant de toutes les commodités modernes, ils se renferment pour des années dans une solitude bien morne à laquelle s’ajoutent des conditions de climat à peine supportables pour la nature humaine, et tout cela pour arriver après de longues années à un résultat que la courte vue humaine dirait mesquin et presque nul.
Bien plus grande que l’admiration stérile de ceux qui n’ont plus la foi, sera l’influence que vos descriptions auront sur ceux de vos lecteurs qui vivent la vie des chrétiens. Ceux-ci, s’ils sont prêtres ou religieux, auront devant les yeux un magnifique spectacle qui leur servira de continuel exemple dans leurs travaux quotidiens pour le salut des âmes. Que de leçons salutaires ils puiseront dans vos pages. S’ils sont simples fidèles, ils apprendront à aimer les Missions et ils comprendront mieux leur devoir de coopérer aux travaux des Missionnaires, de hâter la conversion des pauvres infidèles, du moins par leurs prières et par leurs sacrifices.
Pour moi, j’y ai trouvé une confirmation de cette conviction qui s’est formée en moi à mesure que j’entrais dans la connaissance des Missions, que les RR. PP. Oblats sont de vrais missionnaires dans le sens le plus sublime du mot et que, spécialement pour les missions de l’Extrême Nord, ils ont des mérites uniques. Ici, encore une fois, on voit clairement qu’ils ne sont pas de ceux qui cherchent le succès immédiat, ni de ceux qui se découragent quand, après maints efforts, ils ne recueillent qu’une maigre récolte, ni de ceux qui redoutent les obstacles, les difficultés, les peines et les sacrifices, ni de ceux qui croient toutes les souffrances inutiles s’ils n’en voient pas les fruits eux-mêmes. Les Pères Oblats — on le voit si nettement — sont des hommes de Dieu : ils travaillent pour Dieu, leurs travaux sont pour eux en premier lieu un moyen de sanctification personnelle et cela pour glorifier Dieu : ce but immédiat de la gloire de Dieu atteint, ils sont satisfaits : ils savent du reste que rien de tout ce qu’ils font ne se perd, mais que tout sert au profit du corps mystique du Christ : apôtres universels et embrassant dans leur zèle dévorant tout le genre humain, ils préfèrent les efforts en apparence stériles pour coopérer ainsi plus efficacement à l’extension du Règne du Christ.
Je vous suis reconnaissant, Monsieur, de nous avoir montré tout ceci et d’une manière si attrayante, et tout en vous félicitant de ce travail, je souhaite vivement qu’il soit répandu aussi largement que possible, afin de susciter dans cette France génératrice de si nobles élans, d’autres Apôtres qui marchent sur les traces de ces vrais pionniers du Christianisme et de la civilisation.
Agréez, Monsieur, l’expression de mon estime et de ma reconnaissance avec lesquelles je suis,
Votre tout dévoué en Notre Seigneur,