← Retour

Le livre des lotus entr'ouverts

16px
100%

LE CARAVANSÉRAIL DE MÉLANCOLIE

Le caravansérail avait un long couloir immense. Je savais que son époux venait d’arriver et qu’elle était auprès de lui, quelque part, dans la vastitude de ce lieu de brique. J’entendais au fond du crépuscule aboyer les chiens, crier les chameaux et se quereller les chameliers et les porteurs de litières. Et parfois il y avait des pas qui traînaient dans le long couloir immense de ce caravansérail de mélancolie.

Je ne sortais pas de ma chambre dans l’espoir qu’elle passerait, qu’elle passerait par hasard et s’arrêterait une minute. Mais les heures inexorables comme le regret de ce qui finit s’écoulaient avec les aboiements des chiens, les querelles des porteurs de litières, la lente ascension de la lune dans le ciel indifférent. Les heures s’écoulaient et elle ne passait pas dans le couloir sans fin de ce caravansérail de l’attente désespérée.

Alors je suis sorti pour revoir le petit chemin qui descend parmi les canneliers grisâtres, le petit chemin où j’avais marché, si heureux à côté de ma bien-aimée. Je suis sorti pas bien longtemps, le temps d’un regard, le temps d’une pensée d’amour, je suis sorti pas bien longtemps, mais juste assez pour qu’elle vienne une minute me dire bonjour en passant, en passant dans le long couloir de ce caravansérail des amants qui se sont séparés.

Elle a poussé la porte, elle est entrée, elle a embaumé la chambre avec sa robe et ne me trouvant pas, elle a laissé bien en évidence un tout petit mouchoir comme le signe de la fidélité divine, comme la présence de son cœur et elle est partie dans le long couloir, elle est partie pour ne plus revenir et ce mouchoir c’est tout ce qui me restera désormais, tout ce qui me restera de celle que j’aime dans les caravansérails de la vie.

Chargement de la publicité...