Le livre des lotus entr'ouverts
UN PEU DE NOIR DE FUMÉE
Un peu de noir de fumée a sali tout à coup la feuille blanche sur laquelle j’écrivais le poème pour toi. J’avais peint tout autour une enluminure mogole comme celle d’Abdoul Samad et des maîtres de Samarcand. La lampe a filé. La feuille est salie.
Le poème retraçait la soirée, la merveilleuse soirée où pour la première fois tu m’as dit que tu m’aimais. Les étoiles étaient hautes et silencieuses et la forêt penchée sur toi semblait écouter tes paroles. Jamais je n’ai oublié ces heures et je te les rappelais dans le poème.
Comme tu étais belle et comme le paysage qui nous environnait était émouvant et profond. Mais il me souvient que tout à coup tu laissas tomber par étourderie le nom d’un homme que tu avais aimé avant moi. C’est dans l’ordre des choses. Sur le plus beau poème d’amour il tombe toujours un peu de noir de fumée.