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Le livre des lotus entr'ouverts

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ÉPITAPHE DE BAGAWALI

Ici repose Bagawali qui porta dans la forme mince de son corps un génie étrange toujours enflammé par le désir de la volupté.

Ce génie animait la clarté sombre de son regard, faisait palpiter ses narines, mouillait sa bouche et la rendait pareille à la pulpe d’un fruit qu’on ouvre pour le mordre.

Ce singulier génie invisible la poussait à entr’ouvrir la fenêtre quand le pas d’un jeune homme retentissait dans la rue et à lui faire un imperceptible signe pour lui désigner la porte.

Par la puissance de ce génie quand elle passait le long des remparts de Delhi, elle laissait derrière ses pas un parfum qui n’était ni l’ambre brûlé, ni le musc, mais une traînée indéfinissable et attractive qui vous forçait à la suivre sans y penser.

Ce génie criait par sa bouche sur le lit des herbes à l’ombre des cèdres, il tordait ses reins, il gonflait ses seins, il tendait ses jambes et il avait l’air d’expirer, lui qui pourtant est éternel.

A présent est morte la forme charnelle de Bagawali. Mais le génie demeure autour de ce tertre et de cette pierre blanche et si tu ne te hâtes pas, passant, il prendra possession de toi et ton existence sera désormais vouée à la poursuite du plaisir qui rend triste et met sur les lèvres la cendre amère de la mort.

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