Le livre des lotus entr'ouverts
L’HOMME DU PAYS DE SITTIM
L’homme du pays de Sittim, dit-elle, doit revenir un jour la chercher. Elle déposera ses colliers et elle marchera à pied à côté de ce maître tyrannique par les chemins qui vont vers les hauts plateaux.
Profite des caresses de mon corps, dit-elle, tant que je peux te les donner. Serre-toi contre moi jusqu’à dessiner ta tête sur ma peau. Il viendra un temps où je ne danserai plus et où je n’aimerai plus, car l’homme du pays de Sittim viendra et il m’emmènera avec lui.
Je me représentais cet homme avec une haute stature et faisant claquer un grand fouet en peau de rhinocéros. Le pas qui résonnait derrière nous dans la nuit, c’était le sien. Quand elle reposait entre mes bras, je l’entendais derrière la porte comme la respiration d’un cauchemar et je tenais un poignard nu pour lutter avec lui.
Un jour de printemps où je me sentais l’aimer plus qu’à l’ordinaire, un jour de printemps où les canneliers et les aloès embaumaient dans le jardin, comme j’étais à ses pieds, la tête sur ses genoux et que je lui demandais si elle m’aimait, elle me répondit à voix basse : Je crois que l’homme du pays de Sittim va venir bientôt.
Et un soir je vis un vieillard tout petit avec un visage très bon qui lui faisait un signe de la main. Il était vêtu comme les lamas errants et je n’y prêtai pas attention. Mais un peu plus tard, lorsque je trouvai dans la chambre les colliers et les robes de soie qu’elle avait jetés je compris que l’homme du pays de Sittim était venu la chercher.