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Le livre des lotus entr'ouverts

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DANS CE VIEUX, CE TRÈS VIEUX JARDIN…

C’était un vieux, un très vieux jardin. L’automne en avait pris possession et s’y lamentait sans cesse avec le vent. Et là, les morts s’étaient accoutumés à venir errer.

Pourquoi avaient-ils choisi ce vieux, ce très vieux jardin ? A cause du pourrissement des feuilles ? des exhalations de l’étang ? Je ne sais. Mais je les voyais de ma fenêtre.

Je voyais les morts dans les allées. Ils n’avaient pas l’air très malheureux. Ils se tenait immobiles regardant la terre avec obstination et ils semblaient privés d’intelligence.

Quelquefois ils trottinaient deux par deux. D’autres fois ils levaient les bras tristement. Je croyais qu’ils allaient se plaindre mais ils demeuraient silencieux comme la descente du crépuscule.

Les premiers temps ils m’avaient effrayé, mais je m’étais accoutumé à leur présence. L’absence de flamme de leur regard amenait dans mon âme l’absence de pitié.

Quelquefois je leur jetais des mies de pain comme aux oiseaux. Mais ils ne les ramassaient pas. Quelquefois je leur jetais des pensées amicales. Elles glissaient au milieu d’eux et ils ne s’en apercevaient pas.

Dans ce vieux, ce très vieux jardin, il y avait une fontaine pleine de jeunesse. Ils se détournaient en passant près d’elle et jamais ils n’allaient y boire.

Dans ce vieux, ce très vieux jardin, je cheminais au milieu des morts. Je les entendais s’éloigner quand je rentrais dans ma maison. Et il m’a fallu beaucoup de temps pour comprendre à quel point je leur ressemblais.

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