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Le livre des lotus entr'ouverts

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LE PRÊTRE UVASTRI

Il ne fallait jamais faire devant elle le récit d’un meurtre. Alors, elle se mettait à trembler, elle prononçait des mots incompréhensibles, ses prunelles devenaient fixes, elle suivait dans l’espace une mystérieuse scène tragique.

Le voilà le prêtre Uvastri ! disait-elle avec épouvante. Il faut avoir pitié de moi. Et elle cherchait à s’enfuir ou elle s’avançait d’autres fois avec un visage menaçant. Et tournée vers la porte close, elle criait : Il vient d’entrer, le prêtre Uvastri se tient là.

Et le soir quand nous étions seuls elle s’arrêtait parfois de chanter, elle se blottissait contre moi, elle me serrait la main longuement et regardant obliquement la porte elle murmurait avec une voix de petite fille, elle murmurait comme en rêve : Est-ce que tu sais si les morts pardonnent ?

Souvent je croyais le voir marcher autour de la maison. Il avait des yeux étrangement rouges dans un visage pâle et triste et ses dents luisaient entre ses lèvres. Il était tout de blanc vêtu et tirait un peu une jambe. Il semblait las et quand il se tournait je distinguais entre ses deux épaules la trace sanglante d’une blessure.

Et elle me disait, certains jours : O mon bien-aimé que la vie est belle quand on s’aime. Le prêtre Uvastri ne reviendra plus. Elle se trompait pourtant. On ne tue pas le passé d’un coup de poignard entre les deux épaules. Toujours il sera derrière la porte, ce triste, ce terrible, ce pitoyable prêtre Uvastri.

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