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Le livre des lotus entr'ouverts

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LES TROIS COUPS DE LA CRÉATURE IMPATIENTE

Quand on a frappé trois coups à ma porte je ne me suis pas hâté d’ouvrir. J’ai bouché le flacon de rose et j’ai fermé le manuscrit du poète Mir que j’étais en train de lire. Qui saura jamais si j’ai eu tort de ne pas me hâter ?

Il n’y avait personne sur le perron de ma maison. Une créature impatiente avait frappé et était repartie sans attendre. Mais doit-on courir lorsque le bonheur se présente et comment distinguer d’ailleurs les trois coups du bonheur des trois coups du malheur ?

Et la rue était presque déserte. J’ai demandé à un porteur d’eau qui passait s’il n’avait vu personne s’éloigner. Mais il s’est contenté de sourire sans répondre. Était-ce une occasion que j’avais perdue ou un chagrin à qui j’avais donné le temps de s’éloigner ?

Pourtant, je ramassai parmi les herbes sauvages des pavés une rose qui avait été perdue. Je la respirai et elle ne dégagea aucune odeur, comme si elle se refusait à trahir le secret de celle qui l’avait portée.

Je suis rentré et j’ai rouvert le manuscrit du poète Mir à l’endroit où je l’avais marqué avec le signet. Mais j’étais distrait et les poésies volaient autour de moi sans m’atteindre. J’écoutais les bruits de la rue silencieuse. J’ai fermé le manuscrit et j’ai remplacé le signet par la rose. Ah ! comment distinguer les trois coups du bonheur des trois coups du malheur ?

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