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Le livre des lotus entr'ouverts

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LE TEMPLE DE L’AME

Comme l’empereur Akbar[2] je suis allé prier dans la mosquée d’Agra. Mais les colonnes sous les ogives des coupoles étaient comme des files de pèlerins coiffés de dentelles de pierre qui cheminent et chuchotent et ne se mettent pas à genoux.

[2] L’empereur Akbar entrait indifféremment pour prier dans les églises, les mosquées ou les temples. Il tenta d’unifier les religions et il pensait que le vrai Dieu est en nous.

Comme l’empereur Akbar je suis allé prier dans le temple des Brahmanes. Mais on y respirait l’odeur suffocante des bûchers voisins. Les divinités étaient trop nombreuses. Ganesa agitait sa trompe et Siva déployait tellement de bras que j’ai eu peur d’être saisi avant d’avoir terminé ma prière à Dieu.

Comme l’empereur Akbar, je suis allé prier au milieu des Parsis. Mais le feu sacré avait toujours l’air de s’éteindre. J’étais enveloppé par l’ombre immense d’Ahriman et les Yatus avec leur corps pareil à celui des chauves-souris frissonnaient autour de moi et faisaient un bruit d’ailes feutrées.

Comme l’empereur Akbar, je suis allé prier dans l’Église catholique des religieux portugais. Mais de la tour s’est élevée une musique de cloches et je suis ressorti pour voir quelles étaient ces hirondelles de bronze qui faisaient ce bruit en s’envolant à travers l’azur.

Comme l’empereur Akbar, je suis allé prier dans la Synagogue des juifs. Mais quand on m’a présenté le livre de la Thora j’ai lu tant de caractères mystérieux que j’ai été comme un homme perdu dans une forêt millénaire et que j’ai reculé devant l’énigme des cosmogonies.

Comme l’empereur Akbar je me suis assis dans le temple intérieur de l’âme. Là il n’y a ni livre, ni colonnes, ni statues, ni feu sacré, ni harmonie de cloches. Aucune fenêtre ne s’ouvre sur le monde des hommes et cependant j’ai été illuminé par la pure lumière de la vérité.

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