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Œuvres de P. Corneille, Tome 07

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SCÈNE II.

SPITRIDATE, MANDANE.

SPITRIDATE.

Il est temps de résoudre avec quel artifice

Vous pourrez en venir à bout,

Vous, ma sœur, qui tantôt me répondiez de tout,

Si j'avois le cœur d'Elpinice.1365

Il est à moi ce cœur, son silence le dit,

Son adieu le fait voir, sa fuite le proteste;

Et si je n'obtiens pas le reste,

Vous manquez de parole, ou du moins de crédit.

MANDANE.

Si le don de ma main vous peut donner la sienne,1370

Je vous sacrifierai tout ce que j'ai promis;

Mais vous, répondez-vous que ce don vous l'obtienne,

Et qu'il mette d'accord de si fiers ennemis?

Le Roi, qui vous refuse à Lysander pour gendre,

Y consentira-t-il si vous m'offrez à lui?1375

Et s'il peut à ce prix le permettre aujourd'hui,

Lysander voudra-t-il se rendre?

Lui qui ne vous remet votre première foi

Qu'en faveur de l'amour que Cotys fait paroître,

Ne vous fait-il pas cette loi1380

Que sans le rendre heureux vous ne le sauriez être?

SPITRIDATE.

Cotys de cet espoir ose en vain se flatter:

L'amour d'Agésilas à son amour s'oppose.

MANDANE.

Et si vous ne pensez à le mieux écouter,

Lysander d'Elpinice en sa faveur dispose.1385

SPITRIDATE.

Ne me cachez rien, vous l'aimez.

MANDANE.

Comme vous aimez Elpinice.

SPITRIDATE.

Mais vous m'avez promis un entier sacrifice.

MANDANE.

Oui, s'il peut être utile aux vœux que vous formez.

SPITRIDATE.

Que ne peut point un roi?

MANDANE.

Quels droits n'a point un père?

SPITRIDATE.

Inexorable sœur!

MANDANE.

Impitoyable frère,

Qui voulez que j'éteigne un feu digne de moi,

Et ne sauriez vous faire une pareille loi!

SPITRIDATE.

Hélas! considérez....

MANDANE.

Considérez vous-même....

SPITRIDATE.

Que j'aime, et que je suis aimé.1395

MANDANE.

Que je suis aimée, et que j'aime.

SPITRIDATE.

N'égalez point au mien un feu mal allumé:

Le sexe vous apprend à régner sur vos âmes.

MANDANE.

Dites qu'il nous apprend à renfermer nos flammes;

Dites que votre ardeur, à force d'éclater, 1400

S'exhale, se dissipe, ou du moins s'exténue,

Quand la nôtre grossit sous cette retenue,

Dont le joug odieux ne sert qu'à l'irriter.

Je vous parle, Seigneur, avec une âme ouverte;

Et si je vous voyois capable de raison, 1405

Si quand l'amour domine, elle étoit de saison....

SPITRIDATE.

Ah! si quelque lumière enfin vous est offerte,

Expliquez-vous, de grâce, et pour le commun bien,

Vous ni moi ne négligeons rien.

MANDANE.

Notre amour à tous deux ne rencontre qu'obstacles1410

Presque impossibles à forcer;

Et si pour nous le ciel n'est prodigue en miracles,

Nous espérons en vain nous en débarrasser.

Tirons-nous une fois de cette servitude

Qui nous fait un destin si rude. 1415

Bravons Agésilas, Cotys et Lysander:

Qu'ils s'accordent sans nous, s'ils peuvent s'accorder.

Dirai-je tout? cessons d'aimer et de prétendre,

Et nous cesserons d'en dépendre.

SPITRIDATE.

N'aimer plus! Ah! ma sœur!

MANDANE.

J'en soupire à mon tour; 1420

Mais un grand cœur doit être au-dessus de l'amour.

Quel qu'en soit le pouvoir, quelle qu'en soit l'atteinte,

Deux ou trois soupirs étouffés,

Un moment de murmure, une heure de contrainte,

Un orgueil noble et ferme, et vous en triomphez. 1425

N'avons-nous secoué le joug de notre prince

Que pour choisir des fers dans une autre province?

Ne cherchons-nous ici que d'illustres tyrans,

Dont les chaînes plus glorieuses

Soumettent nos destins aux obscurs différends 1430

De leurs haines mystérieuses?

Ne cherchons-nous ici que les occasions

De fournir de matière à leurs divisions,

Et de nous imposer un plus rude esclavage

Par la nécessité d'obtenir leur suffrage? 1435

Puisque nous y cherchons tous deux la liberté,

Tâchons de la goûter, Seigneur, en sûreté:

Réduisons nos souhaits à la cause publique,

N'aimons plus que par politique,

Et dans la conjoncture où le ciel nous a mis,1440

Faisons des protecteurs, sans faire d'ennemis.

A quel propos aimer, quand ce n'est que déplaire

A qui nous peut nuire ou servir?

S'il nous en faut l'appui, pourquoi nous le ravir?

Pourquoi nous attirer sa haine et sa colère?1445

SPITRIDATE.

Oui, ma sœur, et j'en suis d'accord:

Agésilas, ici maître de notre sort,

Peut nous abandonner à la Perse irritée,

Et nous laisser rentrer, malgré tout notre effort,

Sous la captivité que nous avons quittée.1450

Cotys ni Lysander ne nous soutiendront pas,

S'il faut que sa colère à nous perdre s'applique.

Aimez, aimez-le donc, du moins par politique,

Ce redoutable Agésilas.

MANDANE.

Voulez-vous que je le prévienne,1455

Et qu'en dépit de la pudeur

D'un amour commandé l'obéissante ardeur

Fasse éclater ma flamme auparavant la sienne [57]?

On dit que je lui plais, qu'il soupire en secret,

Qu'il retient, qu'il combat ses desirs à regret;1460

Et cette vanité qui nous est naturelle

Veut croire ainsi que vous qu'on en juge assez bien;

Mais enfin c'est un feu sans aucune étincelle:

J'en crois ce qu'on en dit, et n'en sais encor rien.

S'il m'aime, un tel silence est la marque certaine1465

Qu'il craint Sparte et ses dures lois;

Qu'il voit qu'en m'épousant, s'il peut m'y faire reine,

Il ne peut lui donner des rois [58];

Que sa gloire....

SPITRIDATE.

Ma sœur, l'amour vaincra sans doute:

Ce héros est à vous, quelques lois qu'il redoute;1470

Et si par la prière il ne les peut fléchir,

Ses victoires auront de quoi l'en affranchir.

Ces lois, ces mêmes lois s'imposeront silence

A l'aspect de tant de vertus;

Ou Sparte l'avouera d'un peu de violence,1475

Après tant d'ennemis à ses pieds abattus.

MANDANE.

C'est vous flatter beaucoup en faveur d'Elpinice,

Que ce prince après tout ne vous peut accorder

Sans une éclatante injustice,

A moins que vous ayez l'aveu de Lysander.1480

D'ailleurs en exiger un hymen qui le gêne,

Et lui faire des lois au milieu de sa cour,

N'est-ce point hautement lui demander sa haine,

Quand vous lui promettez l'objet de son amour?

SPITRIDATE.

Si vous saviez, ma sœur, aimer autant que j'aime....

MANDANE.

Si vous saviez, mon frère, aimer comme je fais,

Vous sauriez ce que c'est que s'immoler soi-même,

Et faire violence à de si doux souhaits.

Je vous en parle en vain. Allez, frère barbare,

Voir à quoi Lysander se résoudra pour vous; 1490

Et si d'Agésilas la flamme se déclare,

J'en mourrai, mais je m'y résous.

SCÈNE III.

SPITRIDATE, MANDANE, AGLATIDE.

AGLATIDE.

Vous me quittez, Seigneur; mais vous croyez-vous quitte,

Et que ce soit assez que de me rendre à moi?

SPITRIDATE.

Après tant de froideurs pour mon peu de mérite,1495

Est-ce vous mal servir que reprendre ma foi?

AGLATIDE.

Non; mais le pouvez-vous, à moins que je la rende?

Et si je vous la rends, savez-vous à quel prix?

SPITRIDATE.

Je ne crois pas pour vous cette perte si grande,

Que vous en souhaitiez d'autre que vos mépris.1500

AGLATIDE.

Moi, des mépris pour vous!

SPITRIDATE.

C'est ainsi que j'appelle

Un feu si bien promis, et si mal allumé.

AGLATIDE.

Si je ne vous aimois, je vous aurois aimé,

Mon devoir m'en étoit un garant trop fidèle.

SPITRIDATE.

Il ne vous répondoit que d'agir un peu tard,1505

Et laissoit beaucoup au hasard.

Votre ordre cependant vers une autre me chasse,

Et vous avez quitté la place à votre sœur.

AGLATIDE.

Si je vous ai donné de quoi remplir la place,

Ne me devez-vous point de quoi remplir mon cœur?

SPITRIDATE.

J'en suis au désespoir; mais je n'ai point de frère

Que je puisse à mon tour vous prier d'accepter.

AGLATIDE.

Si vous n'en avez point par qui me satisfaire,

Vous avez une sœur qui vous peut acquitter:

Elle a trop d'un amant; et si sa flamme heureuse1515

Me renvoyoit celui dont elle ne veut plus,

Je ne suis point d'humeur fâcheuse,

Et m'accommoderois bientôt de ses refus.

SPITRIDATE.

De tout mon cœur je l'en conjure:

Envoyez-lui Cotys, ou même Agésilas,1520

Ma sœur, et prenez soin d'apaiser ce murmure,

Qui cherche à m'imputer des sentiments ingrats.

Je vous laisse entre vous faire ce grand partage,

Et vais chez Lysander voir quel sera le mien.

Madame, vous voyez, je ne puis davantage;1525

Et qui fait ce qu'il peut n'est plus garant de rien.

SCÈNE IV.

AGLATIDE, MANDANE.

AGLATIDE.

Vous pourrez-vous résoudre à payer pour ce frère,

Madame, et de deux rois daignant en choisir un,

Me donner en sa place, ou le plus importun,

Ou le moins digne de vous plaire?1530

MANDANE.

Hélas!

AGLATIDE.

Je n'entends pas des mieux

Comme il faut qu'un hélas s'explique;

Et lorsqu'on se retranche au langage des yeux,

Je suis muette à la réplique [59].

MANDANE.

Pourquoi mieux expliquer quel est mon déplaisir?1535

Il ne se fait que trop entendre.

AGLATIDE.

Si j'avois comme vous de deux rois à choisir,

Mes déplaisirs auroient peu de chose à prétendre.

Parlez donc, et de bonne foi:

Acquittez par ce choix Spitridate envers moi.1540

Ils sont tous deux à vous.

MANDANE.

Je n'y suis pas moi-même.

AGLATIDE.

Qui des deux est l'aimé?

MANDANE.

Qu'importe lequel j'aime,

Si le plus digne amour, de quoi qu'il soit d'accord,

Ne peut décider de mon sort?

AGLATIDE.

Ainsi je dois perdre espérance1545

D'obtenir de vous aucun d'eux?

MANDANE.

Donnez-moi votre indifférence,

Et je vous les donne tous deux.

AGLATIDE.

C'en seroit un peu trop: leur mérite est si rare,

Qu'il en faut être plus avare.1550

MANDANE.

Il est grand, mais bien moins que la félicité

De votre insensibilité.

AGLATIDE.

Ne me prenez point tant pour une âme insensible:

Je l'ai tendre, et qui souffre aisément de beaux feux;

Mais je sais ne vouloir que ce qui m'est possible,1555

Quand je ne puis ce que je veux.

MANDANE.

Laissez donc faire au ciel, au temps, à la fortune:

Ne voulez que ce qu'ils voudront;

Et sans prendre [60] d'attache, ou d'idée importune,

Attendez en repos les cœurs qui se rendront.1560

AGLATIDE.

Il m'en pourroit coûter mes plus belles années

Avant qu'ainsi deux rois en devinssent le prix;

Et j'aime mieux borner mes bonnes destinées

Au plus digne de vos mépris.

MANDANE.

Donnez-moi donc, Madame, un cœur comme le vôtre,

Et je vous les redonne une seconde fois;

Ou si c'est trop de l'un et l'autre,

Laissez-m'en le rebut, et prenez-en le choix.

AGLATIDE.

Si vous leur ordonniez à tous deux de m'en croire,

Et que l'obéissance eût pour eux quelque appas [61],1570

Peut-être que mon choix satisferoit ma gloire,

Et qu'enfin mon rebut ne vous déplairoit pas.

MANDANE.

Qui peut vous assurer de cette obéissance?

Les rois, même en amour, savent mal obéir;

Et les plus enflammés s'efforcent de haïr1575

Sitôt qu'on prend sur eux un peu trop de puissance.

AGLATIDE.

Je vois bien ce que c'est, vous voulez tout garder:

Il est honteux de rendre une de vos conquêtes,

Et quoi qu'au plus heureux le cœur veuille accorder,

L'œil règne avec plaisir sur deux si grandes têtes;1580

Mais craignez que je n'use aussi de tous mes droits.

Peut-être en ai-je encor de garder quelque empire

Sur l'un et l'autre de ces rois,

Bien qu'à l'envi pour vous l'un et l'autre soupire,

Et si j'en laisse faire à mon esprit jaloux,1585

Quoique la jalousie assez peu m'inquiète,

Je ne sais s'ils pourront l'un ni l'autre pour vous

Tout ce que votre cœur souhaite.

(A Cotys.)

Seigneur, vous le savez, ma sœur a votre foi [62],

Et ne vous la rend que pour moi.1590

Usez-en comme bon vous semble;

Mais sachez que je me promets

De ne vous la rendre jamais,

A moins d'un roi qui vous ressemble.

SCÈNE V.

COTYS, MANDANE.

MANDANE.

L'étrange contre-temps que prend sa belle humeur!1595

Et la froide galanterie

D'affecter par bravade à tourner son malheur

En importune raillerie!

Son cœur l'en désavoue, et murmurant tout bas....

COTYS.

Que cette belle humeur soit véritable ou feinte,1600

Tout ce qu'elle en prétend ne m'alarmeroit pas,

Si le pouvoir d'Agésilas

Ne me portoit dans l'âme une plus juste crainte.

Pourrez-vous l'aimer?

MANDANE.

Non.

COTYS.

Pourrez-vous l'épouser?

MANDANE.

Vous-même, dites-moi, puis-je m'en excuser?1605

Et quel bras, quel secours appeler à mon aide,

Lorsqu'un frère me donne, et qu'un amant me cède?

COTYS.

N'imputez point à crime une civilité

Qu'ici de général vouloit l'autorité.

MANDANE.

Souffrez-moi donc, Seigneur, la même déférence1610

Qu'ici de nos destins demande l'assurance.

COTYS.

Vous céder par dépit, et d'un ton menaçant

Faire voir qu'on pénètre au cœur du plus puissant,

Qu'on sait de ses refus la plus secrète cause,

Ce n'est pas tant céder l'objet de son amour,1615

Que presser un rival de paroître en plein jour,

Et montrer qu'à ses vœux hautement on s'oppose.

MANDANE.

Que sert de s'opposer aux vœux d'un tel rival,

Qui n'a qu'à nous protéger mal

Pour nous livrer à notre perte?1620

Seroit-il d'un grand cœur de chercher à périr,

Quand il voit une porte ouverte

A régner avec gloire aux dépens d'un soupir?

COTYS.

Ah! le change vous plaît [63].

MANDANE.

Non, Seigneur, je vous aime;

Mais je dois à mon frère, à ma gloire, à vous-même.

D'un rival si puissant si nous perdons l'appui,

Pourrons-nous du Persan nous défendre sans lui?

L'espoir d'un renouement de la vieille alliance

Flatte en vain votre amour et vos nouveaux desseins.

Si vous ne remettez sa proie entre ses mains,1630

Oserez-vous y prendre aucune confiance?

Quant à mon frère et moi, si les Dieux irrités

Nous font jamais rentrer dessous sa tyrannie,

Comme il nous traitera d'esclaves révoltés,

Le supplice l'attend, et moi l'ignominie.1635

C'est ce que je saurai prévenir par ma mort;

Mais jusque-là, Seigneur, permettez-moi de vivre,

Et que par un illustre et rigoureux effort,

Acceptant les malheurs où mon destin me livre,

Un sacrifice entier de mes vœux les plus doux1640

Fasse la sûreté de mon frère et de vous.

COTYS.

Cette sûreté malheureuse

A qui vous immolez votre amour et le mien

Peut-elle être si précieuse

Qu'il faille l'acheter de mon unique bien?1645

Et faut-il que l'amour garde tant de mesure

Avec des intérêts [64] qui lui font tant d'injure?

Laissez, laissez périr ce déplorable roi,

A qui ces intérêts dérobent votre foi.

Que sert que vous l'aimiez? et que fait votre flamme1650

Qu'augmenter son ardeur pour croître ses malheurs,

Si malgré le don de votre âme

Votre raison vous livre ailleurs?

Armez-vous de dédains; rendez, s'il est possible,

Votre perte pour lui moins grande ou moins sensible;1655

Et par pitié d'un cœur trop ardemment épris,

Éteignez-en la flamme à force de mépris.

MANDANE.

L'éteindre! Ah! se peut-il que vous m'ayez aimée?

COTYS.

Jamais si digne flamme en un cœur allumée....

MANDANE.

Non, non; vous m'en feriez des serments superflus:1660

Vouloir ne plus aimer, c'est déjà n'aimer plus;

Et qui peut n'aimer plus ne fut jamais capable

D'une passion véritable.

COTYS.

L'amour au désespoir peut-il encor charmer?

MANDANE.

L'amour au désespoir fait gloire encor d'aimer;1665

Il en fait de souffrir et souffre avec constance,

Voyant l'objet aimé partager la souffrance;

Il regarde ses maux comme un doux souvenir

De l'union des cœurs qui ne sauroit finir;

Et comme n'aimer plus quand l'espoir abandonne,1670

C'est aimer ses plaisirs et non pas la personne,

Il fuit cette bassesse, et s'affermit si bien,

Que toute sa douleur ne se reproche rien.

COTYS.

Quel indigne tourment, quel injuste supplice

Succède au doux espoir qui m'osoit tout offrir!1675

MANDANE.

Et moi, Seigneur, et moi, n'ai-je rien à souffrir?

Ou m'y condamne-t-on avec plus de justice?

Si vous perdez l'objet de votre passion,

Épousez-vous celui de votre aversion?

Attache-t-on vos jours à d'aussi rudes chaînes?1680

Et souffrez-vous enfin la moitié de mes peines?

Cependant mon amour aura tout son éclat

En dépit du supplice où je suis condamnée;

Et si notre tyran par maxime d'État

Ne s'interdit mon hyménée, 1685

Je veux qu'il ait la joie, en recevant ma main,

D'entendre que du cœur vous êtes souverain,

Et que les déplaisirs dont ma flamme est suivie

Ne cesseront qu'avec ma vie.

Allez, Seigneur, défendre aux vôtres de durer:1690

Ennuyez-vous de soupirer,

Craignez de trop souffrir, et trouvez en vous-même

L'art de ne plus aimer dès qu'on perd ce qu'on aime.

Je souffrirai pour vous, et ce nouveau malheur,

De tous mes maux le plus funeste, 1695

D'un trait assez perçant armera ma douleur

Pour trancher de mes jours le déplorable reste.

COTYS.

Que dites-vous, Madame? et par quel sentiment....

CLÉON [65].

Spitridate, Seigneur, et Lysander vous prient

De vouloir avec eux conférer un moment. 1700

MANDANE.

Allez, Seigneur, allez, puisqu'ils vous en convient.

Aimez, cédez, souffrez, ou voyez si les Dieux

Voudront vous inspirer quelque chose de mieux.

FIN DU QUATRIÈME ACTE.

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