Œuvres de P. Corneille, Tome 07
Il ne faut que parcourir les Vies d'Agésilas et de Lysander chez Plutarque, pour démêler ce qu'il y a d'historique dans cette tragédie [8]. La manière dont je l'ai traitée n'a point d'exemple parmi nos François, ni dans ces précieux restes de l'antiquité qui sont venus jusqu'à nous; et c'est ce qui me l'a fait choisir. Les premiers qui ont travaillé pour le théâtre, ont travaillé sans exemple, et ceux qui les ont suivis y ont fait voir quelques nouveautés de temps en temps. Nous n'avons pas moins de privilége. Aussi notre Horace, qui nous recommande tant la lecture des poëtes grecs par ces paroles:
Vos exemplaria Græca
Nocturna versate manu, versate diurna [9],
ne laisse pas de louer hautement les Romains d'avoir osé quitter les traces de ces mêmes Grecs, et pris d'autres routes:
Leurs règles sont bonnes; mais leur méthode n'est pas de notre siècle; et qui s'attacheroit à ne marcher que sur leurs pas, feroit sans doute peu de progrès, et divertiroit mal son auditoire. On court, à la vérité, quelque risque de s'égarer, et même on s'égare assez souvent, quand on s'écarte du chemin battu; mais on ne s'égare pas toutes les fois qu'on s'en écarte: quelques-uns en arrivent plus tôt où ils prétendent, et chacun peut hasarder à ses périls.