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Chronique du crime et de l'innocence, tome 4/8: Recueil des événements les plus tragiques;...

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BOUCHER,
OU L'ASSASSIN DE SEIZE ANS.

Un jeune homme âgé de seize ans, nommé Boucher, après avoir été domestique, voulut apprendre le métier de perruquier, et se plaça, à cet effet, comme apprenti, dans une boutique située aux environs du Palais-Royal. Il paraît que Boucher avait le malheur d'être très-enclin au libertinage. Il entretenait, par conséquent, de fréquentes relations avec les filles publiques.

Le 13 novembre 1780, étant monté dans la chambre d'une de ces créatures qu'il avait rencontrée dans la rue Saint-Denis, cette fille exigea trois livres pour prix de sa complaisance. On pense que cette convention faite au pied de l'escalier fut remplie sans humeur, et que le jeune libertin se retira sans contestation.

Le lendemain au soir, Boucher passant encore dans la rue Saint-Denis, aperçut sa sirène de la veille; il l'aborda et parla quelque temps avec elle. Dans ce moment, une des compagnes de cette fille passe auprès d'eux; Boucher lui propose de monter chez elle; celle-ci accepte la proposition. Arrivé dans sa chambre, il offre à la fille la somme qu'il avait offerte la veille à sa camarade, à condition qu'elle quitterait ses vêtemens. Cette condition est acceptée à l'instant même.

Mais Boucher ayant vu cette fille accrocher une montre d'or à sa cheminée, conçut, à ce qu'il paraît, le projet de la lui dérober. Dès qu'il eut assouvi sa brutale passion, il se saisit d'un rasoir qu'il portait dans une des poches de sa culotte, et en porta plusieurs coups à cette fille, faisant tous ses efforts pour l'atteindre au cou; heureusement que celle-ci avait une cravate très-épaisse. Dès qu'elle se sentit blessée, elle se débattit, et parvint à arracher le rasoir des mains de son assassin; et, quoique déjà mutilée, elle eut encore assez de force pour ouvrir sa fenêtre et jeter le rasoir ensanglanté dans la rue, en criant à l'assassin.

Alors Boucher, furieux, hors de lui-même, prit son couteau et en porta plusieurs coups à la victime de sa barbarie et de sa cupidité. Mais ne pouvant parvenir à lui donner la mort, et entendant du bruit, il ouvrit la porte, se disposant à fuir, lorsqu'il fut arrêté par deux hommes qui étaient montés aux cris de la fille assassinée, et à la vue du rasoir tombé dans la rue. Le scélérat, en fuyant, avait encore à la main son couteau ensanglanté. Au tumulte qu'excita un pareil événement, la garde accourut, et trouva la fille baignée dans son sang et près d'expirer. On la conduisit aussitôt à l'Hôtel-Dieu, pour lui administrer les secours qu'exigeaient ses blessures.

Le corps du délit était constant, et les preuves de l'assassinat étaient évidentes. Cependant l'assassin eut l'audace de soutenir qu'il n'était pas coupable: il nia que le couteau lui appartînt, et qu'on l'eût rencontré son couteau à la main. Il ajoutait que c'était la fille qui avait voulu se tuer elle-même, et que le rasoir trouvé dans la rue était sous le chevet de son lit. On le confronta avec la fille à l'Hôtel-Dieu, et il persista à lui soutenir qu'elle-même s'était mutilée.

Mais le rasoir ayant été reconnu pour appartenir à Boucher, et les deux personnes qui l'avaient arrêté dans l'escalier lui ayant été confrontées, Boucher fut convaincu de l'assassinat dont il était accusé.

Aussi, par sentence rendue le 22 novembre, c'est-à-dire huit jours après son crime, Boucher fut condamné au supplice des assassins.

Sur son appel, le parlement le condamna à être rompu vif en place de Grève, et à expirer sur la roue, par arrêt du premier décembre 1780, et le même jour Boucher fut exécuté.

Tous les pères de famille, en apprenant le supplice de ce jeune scélérat, doivent trembler en pensant aux suites effrayantes de la débauche. Être capable de commettre, à l'âge de seize ans, un crime aussi atroce que celui dont nous venons de tracer, en frémissant, l'horrible tableau; quelle preuve plus forte de la dépravation des mœurs et de la nécessité de veiller sur le dépôt précieux de la morale publique!


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