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Chronique du crime et de l'innocence, tome 4/8: Recueil des événements les plus tragiques;...

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LES BRIGANDS DE NIMES.

Au commencement de l'année 1784, les environs de Nîmes étaient infestés par une troupe de brigands sanguinaires et déterminés, qui jetaient l'épouvante dans toute la contrée, et allaient audacieusement exercer leurs ravages jusque dans les villes voisines. Les châteaux et les maisons riches étaient surtout l'objet de leurs attaques; ils en brisaient les portes et pillaient, comme des soldats dans une ville prise d'assaut; en cas de résistance, la mort ne leur coûtait rien à donner. Ces scélérats étaient blasés en fait de crimes.

Le moindre voyage dans ces cantons était accompagné des plus grands dangers. Ces brigands attaquaient même les caravanes que formaient entre eux les voyageurs, afin d'être moins exposés sur les routes. On ne parlait que de vols, que d'assassinats multipliés, que de maisons forcées, que de châteaux pillés.

La plupart de ces bandits étaient formés au crime depuis long-temps; plusieurs d'entre eux portaient sur l'épaule leur infamant brevet de malfaiteur. Quatre échappés des galères avaient mérité par leurs forfaits d'être les chefs de ces misérables. Errans et dispersés, mais de manière à pouvoir se réunir au premier signal, ils marchaient par brigades de trois, de six, de huit et même de douze, et s'embusquaient sur les chemins de Sauve, d'Uzès, de Sommières, de Lassalle, etc., et laissaient presque partout des traces sanglantes de leur passage.

Tant d'attentats aussi notoires, aussi répétés, ne pouvaient manquer d'éveiller l'attention et d'exciter le zèle des magistrats. Le procureur du roi du présidial de Nîmes parvint à découvrir que des tuileries écartées, situées dans le voisinage de Saint-Gilles, servaient de repaires à ces brigands et à leurs concubines. Mais il était difficile de les forcer ou de les surprendre dans ces espèces de forteresses, où ils se gardaient avec une vigilance de tous les instans. Il aurait fallu se décider à un combat à mort avec ces scélérats déterminés; c'eût été compromettre l'existence d'une foule de braves soldats pour une entreprise hérissée de périls, mais sans gloire.

On jugea plus sûr et plus humain de recourir à la ruse et d'endormir ces tigres pour les enchaîner. On fit choix de trois huissiers intelligens qu'accompagnèrent une vingtaine de jeunes gens pleins de cœur et de bonne volonté. Pour n'être pas foudroyés par ces brigands, ils feignirent de chasser, et prirent si bien leurs dimensions qu'ils s'approchèrent des tuileries sans que leur dessein fût pénétré, et les investirent tout-à-coup, avec impétuosité. A l'aide de ce stratagème, ils surprirent et arrêtèrent dix de ces bandits, tout confondus et stupéfaits de leur grossière méprise.

Les autres furent pris isolément en se rendant au gîte; et cette arrestation mit un terme aux scélératesses dont le pays avait été le théâtre.

Le procès de ces brigands ne traîna pas en longueur. Plus de deux cents témoins furent entendus et complétèrent les preuves de leurs méfaits, et par jugement souverain du février 1785, ils furent condamnés à être rompus vifs.

Le lendemain, les femmes, dignes objets des amours de ces monstres, furent condamnées à être attachées au carcan, et ensuite à être renfermées pour le reste de leur vie dans une maison de force. Un jeune garçon de douze ans, élève de ces brigands, avait déjà si bien profité de son apprentissage, qu'il les aidait dans leurs vols et dans leurs assassinats. Il leur servait de furet pour la plupart de leurs entreprises; il était l'espion qui allait à la découverte sur les grands chemins; il était même quelquefois le premier à attaquer les voyageurs, et ne tardait pas à être soutenu par ses maîtres, placés en embuscade. Il fut ordonné que cet enfant serait renfermé dans un hôpital pendant six ans, pour y être élevé dans la religion catholique, dans l'espérance que l'âge, la raison et l'éducation changeraient son cœur, sitôt souillé par l'exemple et les leçons de ces scélérats.

L'exécution de ces bandits offrit une circonstance qui prouve qu'il est certaines âmes sur lesquelles le spectacle des supplices les plus effrayans est tout-à-fait impuissant.

Tandis que l'exécuteur attachait aux fourches patibulaires les cadavres de ces suppliciés, un malheureux volait cent écus à un paysan de Beaucaire qui portait cette somme au propriétaire dont il était fermier. Mais il ne jouit pas long-temps de son larcin, il fut arrêté quelques instans après. Le voleur était un Italien, marchand d'orviétan, qui avait déjà été fouetté et marqué à Dijon pour d'autres tours du même genre dont sont assez coutumiers la plupart des charlatans en plein vent.


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