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Chronique du crime et de l'innocence, tome 4/8: Recueil des événements les plus tragiques;...

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QUENTIN BEAUDOUIN,
ASSASSIN DE SA FEMME.

Quentin Beaudouin s'était fixé, à l'âge de quarante ans, dans une paroisse voisine de Clermont en Beauvoisis. Cet homme avait les inclinations les plus vicieuses, et surtout un penchant marqué pour le vol.

Après avoir passé quelque temps dans sa nouvelle résidence, Beaudouin s'y maria avec une fille du même village, aussi pauvre que lui, et n'ayant d'autre ressource que le travail de ses mains. Il paraît que cette femme était née avec un de ces caractères faibles qui prennent toutes les impressions qu'on veut leur donner. Comme elle était attachée à son mari, il fut facile à celui-ci de la faire entrer dans tous ses goûts.

Cette malheureuse qui, avec un époux honnête aurait été vertueuse, devint criminelle avec Beaudouin. Cet homme était connu dans tout le canton pour être un voleur de profession, et aussitôt que quelqu'un se plaignait de quelque larcin, on accusait Beaudouin d'en être l'auteur, et rarement ce jugement était hasardé.

Un jour il fut accusé d'avoir volé un mouton; on fit perquisition: la peau de cet animal fut trouvée chez lui. Sur une telle pièce de conviction, sa femme, interrogée par les cavaliers de maréchaussée, leur avoua ingénument qu'elle avait mangé la chair du mouton avec son mari. Cet aveu rendit Beaudouin furieux. Sa femme, pour l'apaiser, voulut l'embrasser; mais il la repoussa rudement, lui annonçant, par ses regards foudroyans, qu'il la ferait repentir de sa naïveté.

On se saisit des deux époux, et ils furent conduits, chargés de chaînes, dans les prisons de la ville voisine. La femme, par bonté d'âme, demanda la permission d'habiter le même cachot que son mari; elle croyait par sa présence lui rendre moins pénibles les ennuis de sa captivité. L'infortunée était loin de s'imaginer qu'elle y recevrait la mort des mains même de celui qu'elle voulait consoler.

Beaudouin et sa femme passèrent le reste de la journée sans que le geôlier entendît le moindre bruit dans le cachot où ils étaient enfermés. Le soir, à l'heure de la visite des prisonniers, le geôlier demanda à Beaudouin s'il avait besoin de quelque chose. Beaudouin répondit qu'il n'avait besoin de rien. Il était alors dix heures du soir. Ce scélérat, qui avait conçu le projet abominable de punir sa malheureuse femme, et de l'immoler à la haine que lui avait inspirée l'aveu qu'elle avait fait à la maréchaussée, trouva le moment favorable. Lorsqu'il eut entendu refermer les portes, il s'approcha de sa compagne et lui passa autour du cou le cordon de son tablier, qu'il serra avec un éclat de bois qui lui servait de tourniquet. Il parvint ainsi à étrangler cette malheureuse, et passa le reste de la nuit auprès de son cadavre.

A quatre heures du matin, il appela à grands cris le geôlier, et lui dit, en feignant de verser des larmes, que sa pauvre femme était morte pendant la nuit.

Le geôlier fit avertir les cavaliers de maréchaussée; et, lorsqu'ils furent arrivés, le cachot fut ouvert. On y trouva la femme de Beaudouin étendue dans un coin, ayant encore au cou le fatal cordon qui avait servi à lui donner la mort. Le juge et les chirurgiens dressèrent aussitôt un procès-verbal qui constatait le genre de mort.

Le ministère public rendit plainte en assassinat contre Beaudouin. On reçut la déposition du geôlier, et l'on procéda à l'interrogatoire de l'accusé.

Quelques-unes de ses réponses doivent être relatées ici pour qu'on puisse juger de l'atrocité de cet homme sanguinaire.

Le juge lui ayant demandé s'il n'avait pas repoussé sa femme avec fureur lorsqu'elle avait voulu l'embrasser avant d'être conduits en prison, il répondit qu'il n'avait pas voulu l'embrasser, parce qu'il la connaissait trop tendre, et qu'il craignait qu'elle ne se mît à pleurer. Interrogé s'il ne l'avait pas étranglée dans le cachot: «C'est elle-même qui s'est étranglée,» répondit-il. Quand on lui eut prouvé que la chose était impossible, il déclara qu'ils avaient formé de concert le projet de s'étrangler; que sa femme y avait réussi, mais que lui, après une demi-heure de tentatives inutiles, il s'était endormi, et que ce n'était qu'à la pointe du jour qu'il s'était aperçu que sa femme était morte.

On lui fit observer qu'il en imposait, puisqu'il avait dit au geôlier que sa femme était morte subitement. Il répondit qu'il n'avait pas voulu alors confesser la vérité. Dans sa défense, qui prouvait l'audace la plus révoltante, il tombait dans des contradictions plus choquantes les unes que les autres.

Tout offrait en lui un monstre digne du supplice réservé aux plus insignes scélérats. Aussi, par sentence du bailliage de Clermont, Beaudouin fut condamné à être rompu vif et à expirer sur la roue. Sur son appel, le parlement, par arrêt du 23 septembre 1779, le condamna à être rompu vif, et son corps, après avoir été exposé sur la roue, à être jeté au feu.


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