Le chat de misère: Idées et images
C'est un joli métier que celui pour lequel une jeune actrice espagnole a quitté sa profession. Elle est maintenant raviveuse de perles. Quand un collier de perles est malade, languissant, qu'il perd son éclat, on le passe à son cou, elle le porte quelque temps sur sa gorge et les perles retrouvent à ce contact leur vie et leur jeunesse. Il ne faut pas chercher là, disent les gens de science, on ne sait quelle magie; c'est de la chimie, tout simplement. Les perles malades guérissent quand on les soumet à une chaleur douce et continue, analogue à celle que dégage le corps humain. Très bien, mais pourquoi se ternissent-elles au cou de certaines femmes et se ravivent-elles au cou de certaines autres? Voilà ce que la chimie n'explique pas et ce que je ne me soucie pas qu'elle explique. J'aime mieux rêver à la sympathie entre les perles, ces jolies choses, et la gorge d'une femme, cette douce chose, rêver au mystère des tiédeurs et des effluves. Tous les seins ne palpitent pas du même rythme, tous ne donnent pas la même chaleur. Demandez aux amants. Il y en a même qui sont calmes comme un lac et froids comme leurs eaux. Il y en a qui s'agitent tumultueusement et qui répandent une tiédeur d'oiseau. Or la chaleur de l'oiseau est bien supérieure à la chaleur humaine. C'est peut-être là le secret de la belle Espagnole? Car je la veux belle, aussi, afin de compliquer le problème, et que sa poitrine ait l'harmonie de celle de la Maja Nuda, où Goya mit toute la voluptueuse insolence de l'Espagne. Des perles ne pourraient se plaire sur une gorge médiocre, ni y retrouver la fraîcheur de la vie. Peut-être aussi, certainement même, que cette femme élue est plus qu'une autre capable d'amour et qu'elle a pour les perles une dilection particulière. Le miracle de la raviveuse de perles est un miracle d'amour.