Le chat de misère: Idées et images
Je crois que l'on gémit outre mesure sur la faible natalité française. Cela ne sert à rien qu'à diminuer la confiance qu'un peuple doit avoir en lui-même, et cela fortifie d'autant celle de nos ennemis. Pourtant, l'histoire semble montrer que la force du nombre est loin d'être prépondérante dans les conflits entre nations. Le premier exemple et le plus frappant qui vient à l'esprit est la lutte de Xerxès et de la Grèce. On a dit qu'il avait un million de soldats, mais il faut tenir compte des exagérations de la vanité grecque. Mettons qu'il avait des combattants beaucoup plus nombreux, du double ou du triple que les Grecs. Qu'en resta-t-il après Marathon? Et quand les Grecs prirent leur revanche sur les Perses, croit-on que ce fut avec des multitudes? Où Alexandre et la Macédoine auraient-ils pris des multitudes de combattants? C'est avec une petite armée bien disciplinée et bien organisée qu'Alexandre conquit l'Asie. Et Guillaume le Conquérant, croit-on aussi qu'il avait pu réunir dans le petit port de Dives des foules hors de proportion avec le nombre des Anglais? Pourtant, c'est lui qui vainquit à Hastings. Les premières victoires de Bonaparte en Italie ne sont pas des victoires du nombre, mais des victoires du génie et du courage. Dans la seule histoire de France, il y a de nombreux exemples de ce que peut un nombre relativement faible d'hommes résolus et bien commandés. Est-ce que, dans les futures guerres européennes, cent mille hommes de plus ou de moins assureront la victoire ou la défaite d'une grande nation? Ne se pourrait-il pas que le nombre excessif des combattants devient, en telle circonstance, une cause de faiblesse? Même si on a une très grande confiance dans le nombre, il faut convenir qu'il n'est pas tout.