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Le chat de misère: Idées et images

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Après la pluie, au Luxembourg, tout était si frais et si fondant! Comme dans les vrais jardins de campagne, il y avait de la boue où on enfonçait un peu et qui nous donnait l'idée de la terre, qu'on ne voit guère dans les parterres trop civilisés. L'herbe était d'un vert profond, doux et triste, et les arbres pleuraient des larmes claires qui les embellissaient, ce qui n'arrive pas aux visages de femmes, à moins qu'elles ne pleurent pour vous, amants cruels! Il n'y manquait que les oiseaux qui font des taches mouvantes dans le gazon, les palombes qui tombent soudain d'entre les branches, comme de gros fruits mûrs. Mais les oiseaux n'aiment pas la mélancolie humide des jardins après la pluie. Où sont-ils cachés pendant ces temps-là? Quelle est leur ruche, d'où ils vont sortir dans un moment, comme des cris et des rires qui se rendraient visibles? Il faut des oiseaux dans les arbres et des insectes volants et bourdonnants dans les corbeilles, pour faire parler les feuilles et les fleurs. Ce sont les seules voix et les seuls murmures qui soient en harmonie avec la discrétion de toutes ces choses vertes et de toutes ces choses fleuries. L'homme ne devrait y prononcer que des pensées amènes, n'y venir que pour y prendre des leçons de silence. Hier, comme rien n'y encourageait au bruit, ni les musiques, ni les enfants, les rares gens venus là modéraient leurs paroles, proférées tout bas, cependant que par les grilles, vers le Panthéon, nous apercevions un décor forain, reste de la fête de Jean-Jacques. Ce n'est pas en son honneur que je cueillis à un arbuste mouillé, qui éclata en pluie, une petite feuille ronde comme en ont des plantes qui vont sur l'eau, mais ce geste était peut-être plus rousseauiste que ceux qu'on avait faits le matin, de l'autre côté des barreaux. Il est vrai que je ne pensais pas à lui, mais pas du tout.


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