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Le chat de misère: Idées et images

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Un journal donne une rubrique spéciale aux Désespérés, manière poétique d'appeler les suicidés, car tous les suicides n'ont pas pour cause le désespoir et une bonne partie provient des affections cérébrales. Or, l'autre jour, je n'en comptai pas moins de dix, rien que pour Paris. C'est une proportion énorme et, j'espère, exceptionnelle, car elle signalerait un état des plus inquiétants. Je sais bien que le suicide augmente, mais pas tout de même selon ce taux, qui dépasserait quatre fois celui de la Suisse, qui est le pays d'Europe où l'on se suicide le plus. La Suisse étant un pays religieux à un point qu'on ne saurait dire, on voit tout de suite le parti que les ennemis de toute religion pourraient tirer de cette double constatation. Mais ce ne serait pas juste, puisque la France, incrédule ou légère, suit d'assez près la Suisse sur ce terrain où elle dépasse de beaucoup les nations les plus religieuses de l'Europe, telles que l'Irlande ou l'Italie. S'il y a une cause générale aux suicides, on ne la découvre pas. Le climat? Non, puisqu'on quitte la vie presque aussi facilement en France qu'en Prusse. La misère? Non, puisque l'Irlande est le pays d'Europe où l'on se suicide le moins et la France un des trois pays où on se suicide le plus. Les inquiétudes politiques? Non plus, puisque c'est la Suisse qui tient la tête, suivie par la Prusse. Est-ce au contraire l'excès de richesse, de bien-être également répandu dans toutes les classes? On ne le croira pas pour la Prusse, mais hormis cette exception, qui n'est peut-être pas très accentuée, il y a certainement une relation entre la fréquence des suicides et la richesse des Etats. Oui, mais est-ce que l'Angleterre n'est point, malgré la légende, un des pays où l'on se suicide le moins? Sans doute, mais c'est peut-être que les Anglais vont se suicider en Suisse. La statistique n'aime pas les plaisanteries. Avouons n'y rien comprendre. Cela vaudra mieux.


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