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Le chat de misère: Idées et images

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L'autre jour, deux Américaines étaient arrêtées devant un tableau dont elles voulurent connaître le nom et l'auteur. Elles consultent, non pas le catalogue officiel, qui ne les eût pas trompées, mais leur guide, moins bien tenu à jour ou plus ancien, car il s'est fait des transpositions du Luxembourg au Louvre. «Voilà! Tel numéro, Whistler. Portrait de sa mère.» Et celle qui contemplait de s'écrier soudain: «Quelle horreur! Et nous envoyons nos fils étudier la peinture à Paris!» Elle n'en revenait pas, ni sa compagne non plus. Ainsi, à Paris, un peintre peut faire le portrait de sa mère étendue toute nue sur un lit! Et cela est vanté partout! Elles s'étaient arrêtées devant l'Olympia de Manet. Leurs exclamations indignées émurent des visiteurs qui voulurent bien les détromper, mais je trouve que c'est presque dommage. Elles auraient au moins remporté de Paris une idée extraordinaire et assez conforme d'ailleurs à celle que s'en font communément beaucoup d'Américains. Rassurées sur la moralité de Whistler, qui leur était apparu, un instant, tel qu'atteint du sans-gêne le plus corrompu, si elles ont continué quelque temps leur promenade à travers nos musées et nos vues, elles n'ont pas dû tarder à s'apercevoir que Paris est une ville qui ressemble à toutes les grandes villes et que, peut-être plus élégante, plus vive, plus gaie (et encore!), elle n'a rien d'une Babylone, même moderne. Les gens qu'on rencontre y ont la tenue la plus convenable, il ne s'y passe aucune extravagance, la peinture que recèle ses musées est d'une grande décence, et celle qui n'y est pas encore se permet tout au plus d'être cubiste, ce qui choque l'intelligence, mais non la morale.


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