Le chat de misère: Idées et images
Hier, dans le train qui me conduisait au milieu des bois, j'étais seul, absolument seul. J'avais l'air de m'être commandé un train spécial pour aller chercher des impressions forestières. La solitude me menait à la solitude. Je descendis avec importance, un peu intimidé toutefois par tant d'apparat et j'allai rôder sous les hêtres. Une écureuil m'attendait, qui me salua de son gloussement plaintif et disparut bientôt vers les cimes. Je le suivis quelque temps d'un œil amusé. Il montait en tournant autour de l'arbre, reparaissait avec sa queue en panache, grimpait encore, fuyait comme un oiseau. Quand je ne l'entendis plus, je m'assis sur un tronc d'arbre couché là et je méditai sur la vie mystérieuse des forêts, sur les mouvements de tous ces êtres qui s'accomplissent éternellement obscurs, loin du regard des hommes. Au loin, les bois profonds s'assombrissaient, la verdure prenait une teinte unique où l'on ne distinguait plus le vert clair des fougères, le vert presque noir des lierres rampants, ni le vert un peu rosé des jeunes hêtres de l'an passé et des petits chênes à peine sortis du gland, qui pendait encore à leur racine, quand j'en arrachais un pour examiner la frêle structure des arbres naissants. De grandes limaces rouges se traînaient partout parmi les nappes de champignons à demi dévorés. Comme je regagnais le chemin qui m'avait amené, mon écureuil, ou un autre, reparut un instant, et au bruit des broussailles remuées regagna son abri sous les voûtes de verdure. A ce moment, je me sentis entouré d'un léger crépitement. C'était la pluie. Elle tomba longtemps sur les feuilles avant de m'atteindre, mais voulant la devancer, je fis comme l'écureuil, je regagnai mon abri, c'est-à-dire le train qui m'attendait.