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Le chat de misère: Idées et images

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L'art de choisir et de grouper les fleurs a suivi assez exactement l'évolution de la peinture. Aux vieilles plates-bandes du jardin classique a succédé la corbeille romantique déjà moins rigide, plus variée de ton et de forme, et voici qu'on en est arrivé, comme l'impressionnisme, comme Claude Monet, ce jardinier merveilleux, à l'imitation directe de la nature même, dans son inattendu et dans sa magnifique extravagance. C'est ce que j'ai appris à l'exposition d'horticulture. Un vallon en miniature, dont les parois s'étagent, dont le fond se creuse pour le ruisseau qui devrait y passer, et partout un féerique fouillis des fleurs les plus simples, mais les plus jolies, qui semblent nées au hasard, tant elles sont groupées avec habileté. Nul art apparent, ce qui est le comble de l'art. C'est très difficile à expliquer, mais nous eûmes un cri d'admiration. Se promener là-dedans! Se rouler là-dedans! Etre tout petit pour se cacher derrière une mauve, se faufiler à travers ces liserons, grimper vers les cloches de ces digitales. Un autre coin de terrain, pareillement disposé, est parsemé de cailloux, qui figurent des rochers. On a voulu représenter un sol plus aride à côté de l'exubérant vallon, et les fleurs plus pâles y sont moins abondantes. C'est également très agréable. J'ai vu, si je me souviens bien, quelque chose d'analogue à Jersey, dans un jardin qui fut célèbre pour son ingéniosité. Il me semble que l'on comprend enfin que l'on ne peut mieux faire que d'imiter et de fixer les heureux hasards de la nature, car elle nous donne tous les exemples de la beauté. En somme, ce que l'on essaie maintenant, c'est, avec beaucoup de soins, de créer des jardins qui semblent avoir poussé tout seuls. Le jardinier s'efface. Il ne montre que son œuvre. C'est le précepte même de Flaubert.


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