← Retour

Les aventures d'une fourmi rouge et les mémoires d'un pierrot

16px
100%

XIX
L’AUSTRALIE.—ENCORE DES COUSINES.

—La belle chance! Me voici à bord, au moment où je n’avais aucune envie de m’embarquer! C’est très bien, la vie est sauve... mais, où allons-nous sur ce navire inconnu?.....

Tel était mon monologue, en me cachant au plus près de l’écubier par lequel j’étais entré.

—Reposons-nous d’abord!... Quel cataclysme!! mon Dieu!...

Et je repris haleine, en écoutant de toutes mes oreilles les bruits du vaisseau. Il me semblait entendre des voix qui parlaient français: c’eût été trop de chance!... J’écoutai encore, mais tout bruit cessa: la cale était silencieuse; aussi je m’endormis...

Tout à coup, un grincement effroyable me fit tressaillir; j’ouvre les yeux; c’est le câble, mon voisin, par lequel je suis monté là, qui grince en passant... Que fait-on?... on le remonte, l’ancre avec... donc, nous appareillons?...

Hélas! où allons-nous?...

Qui le sait?... Une heure après, nous étions en pleine mer, à la grâce de Dieu. Voilà tout ce que je savais.

Ce fut une dure et longue traversée de près de trois mois: je ne revis même plus mes compagnons. Ont-ils été tués? ou la nourriture leur a-t-elle manqué dans les réduits qu’ils ont pu trouver? je ne sais. Nous nous trouvions sur un bateau à vapeur; aussi je vivais, jour et nuit, au milieu du fracas des machines, de l’odeur de l’huile et de la fumée... Ce n’était point agréable pour une fourmi. La seule consolation que j’appréciasse était la jouissance d’une température chaude, excellente, analogue à celle de nos meilleures journées de soleil au printemps. J’en jouissais, sans mot dire, me cachant, me faisant bien petit, d’abord pour sauver ma peau, et puis pour apprendre où j’allais. Je ne pouvais l’apprendre que par hasard et parce que l’on ne se défierait point de moi. Il fallait attendre tout du hasard et de mon adresse...

Quant à vivre, je trouvais partout à manger: il faut si peu de chose pour contenter une fourmi!

Enfin—car tout prend une fin en ce monde!—nous arrivons, évidemment dans un port, puisque j’entends filer l’ancre, stopper et venir à quai... Ah! ah! c’est le moment d’ouvrir une oreille attentive.....

Des employés de la douane, des inspecteurs de santé arrivent à bord.....

O malheureuse destinée! Tout ce monde parle anglais!!!... Hélas, on a négligé de m’apprendre cet idiome dans ma lande de Pora!!! Comment faire?...

—Lieutenant! une lettre pour vous!...

—Ah! ah! voici du français... Écoutons!...

Un grand bonhomme déguisé en sorte de facteur, avec un sac de cuir au côté, une espèce de marmite en cuir bouilli sur la tête, une ceinture en cuir, et un étui en cuir au côté, parut sur le pont...

J’arrivai aussitôt que lui.

Sir, a letter from the consulate. Monsieur, une lettre du consulat.

Well! give me. Bien, donnez.

I’ll wait for the answer, if your honour allows it... J’attendrai la réponse, si Votre Honneur le permet.

Stay for a moment. Attendez, je reviens.

—Diable! diable! mais ce n’est pas du tout du français, cela! Patience! hélas!...

Bientôt le lieutenant remonta.

Give that to the consul... Donnez cela au consul...

That will be done, sir. Ce sera fait, monsieur...

And you must say I am to go down to Melbourne tomorrow. Et vous lui direz que je reviendrai demain à Melbourne.

Yes, sir. Bien, monsieur.

Et le bonhomme au cuir disparut...

—Melbourne... Ce doit être un nom de ville! Nous sommes à Melbourne?... Melbourne?... Mais, il me semble que je connais ce nom... Pardieu, oui! nous sommes en Australie!!!... Oh! c’est trop fort!... et comment revenir en France, maintenant que nous sommes à l’autre bout du monde!... Voyons un peu ce que c’est que cette ville... C’est dans la province de Victoria, une nouvelle terre d’or... au sud-est de Sydney... un ancien port des forçats qu’on amenait d’Angleterre... oui, oui, des convicts!!...

Peu flattée de ces souvenirs, je montai tout le long d’un des mâts du bateau à vapeur, de façon à voir de là-haut cette ville et d’essayer de deviner ce qu’il y aurait à faire en cette triste occurrence. J’étais de fort mauvaise humeur, et lorsque j’eus atteint la petite hune qui me promettait un poste d’observation assuré, je levai la tête... et ne pus retenir un cri d’admiration!

Comment! c’est là Melbourne! une ville née d’hier; elle n’a pas quarante ans!!!...

Je trouvais devant mes yeux une ville immense, étendue dans une belle plaine, coupée de rues somptueuses et laissant voir les dômes de ses édifices, ses églises, ses chemins de fer, et, au milieu de tout cela, un admirable fleuve, le Yarra, dans lequel nous étions, et qui, navigable aux plus grands navires, forme un bassin de 12 kilomètres au moins de largeur. Quel panorama splendide!... A l’extrémité intérieure de ce bassin, le terrain change et les bords de la rivière, élevés, mais de quelques mètres seulement, forment encore des docks naturels au pied de vertes collines prêtes à recevoir une ville nouvelle.

Nous sommes près du champ d’or de Bendigo! J’entendais parler deux matelots français des placers et des fortunes que l’on y faisait... à la bonne heure!

Quant à la côte que j’entrevoyais—en ce moment, et, admirant la baie du Port-Philippe, par laquelle nous étions entrés et qui a une centaine de kilomètres de long sur plus de 60 de profondeur,—la côte boisée me rappelait les montagnes de la Provence, couvertes d’oliviers et de chênes verts. C’étaient les mêmes teintes, la même monotonie où l’œil se repose sur des couleurs si douces et si faciles à saisir, qu’elles semblent inventées pour le plaisir du spectateur.

Je ne me lassais point d’admirer et ne pensais pas davantage à descendre de mon observatoire, si bien que j’y passai la nuit. A présent que j’avais aperçu cette grande côte, admiré ce beau pays, je me dis que ce serait faire preuve de bien peu d’intelligence que bouder contre sa curiosité, et ne pas profiter d’un contre-temps déjà accepté de force, pour continuer ses observations. Nul doute que l’Australie ne renferme des spécimens intéressants, pour moi, de la grande nation des fourmis!

Pourvu qu’elle en renferme!... car le peuplement de ses campagnes est si différent du reste du monde!

Autre question qui se présente à mon esprit:—Comment traverser cette ville immense pour gagner les champs, le bush, comme ils disent?... quel stratagème inventer?... Bah! soyons à l’affût des occasions!...

Et, redescendant de mon observatoire, je pris mes quartiers sur le pont, parmi des grappins et des chaînes en fer où personne n’allait des animaux que j’avais pu reconnaître à bord: j’avais remarqué tout cela!...

Le lendemain matin, un de nos passagers—un Français!—monta sur le pont, et bientôt son frère, un squatter de la colonie, vint le serrer dans ses bras. Aussitôt, je résolus de partir avec lui! J’avisai, parmi ses bagages, un petit sac de cuir qu’il devait probablement suspendre à ses épaules par une courroie; je profitai d’un moment où il le déposait près de moi, sur le pont, pour me jeter dans une poche ouverte qui se trouvait sur le dessous. Je m’y trouvai en compagnie de ses gants et de miettes de pain dont je fis mon profit.

Tout allait bien jusque-là. Je n’avais à craindre le contact d’aucun corps dur pouvant me blesser par les chocs ou soubresauts qui me menaçaient.

C’est ainsi que je quittai le bord!

A peine à terre, mon compagnon enfourcha un bel et bon cheval que son frère avait amené, et nous partîmes, non sans secousses, à travers les rues de Melbourne. Nous voyageâmes pendant une heure à travers les barrières qui servent de clôture aux terrains vendus récemment aux environs de la ville, et ce ne fut qu’au bout de 12 kilomètres que nous entrâmes dans le bush, c’est-à-dire la vraie campagne.

Je m’étais mise à cheval sur les gants, qui remplissaient presque toute la poche dans laquelle j’étais, et de là, en me cramponnant bien, je pouvais tout voir au dehors. La route que nous suivions n’était qu’une trace faite par les allants et venants, une large bande de terre mise à nu par le passage des chevaux, du bétail et les sillons des voitures. Rien de plus primitif!

Nous avions bien marché quatre heures: je n’en pouvais plus, parce que mon compagnon interrompait souvent par un temps de galop la monotonie du chemin, lorsque nous arrivâmes sur le haut d’une colline où le frère de mon hôte arrêta les chevaux pour montrer à son compagnon la plantation où nous allions. A nos pieds s’étendait une petite plaine marécageuse: elle était traversée par un ruisseau dont une clairière, au milieu des grands bois, signalait le cours, et qui allait se perdre dans une plaine beaucoup plus vaste. Cette plaine s’étendait à notre gauche, bordée par le Yarra, qui coulait au pied de collines boisées derrière lesquelles se détachait, plus haute et plus vigoureuse de tons, la chaîne ondulée des Alpes australiennes.

C’était un panorama splendide.

Tout près de nous, le ruisseau formait la limite de la plantation, et nous nous dirigeâmes vers un petit pont qui servait à le traverser. Une demi-heure après nous descendions devant la vérandah de l’habitation; je sautai à terre et me cachai dans le gazon.

Je n’avais pas fait cent pas dans la prairie que je m’arrêtai, ébahi, devant une singulière caricature. Figurez-vous une fourmi qui, en marchant, relève son abdomen si haut en l’air, qu’il se courbe et couvre son dos, au-dessus du thorax!... C’est insensé, tout simplement! un abdomen n’a jamais été fait pour servir de parasol!!...

Enfin, telle est l’Australie; la terre des singularités, presque des impossibilités!

Je reconnus la fourmi que les savants ont baptisée: le Crematogaster læviceps, ce qui veut dire: Ventre suspendu à petite tête!!... Je voulus bien lier conversation avec elle; mais elle parlait un charabias incompréhensible et me parut peu sociable vis-à-vis des étrangers, tout en l’étant beaucoup vis-à-vis de ses semblables; car mon premier soin fut de la suivre pour savoir comment était bâtie sa fourmilière. C’est un vrai chef-d’œuvre!... Je les vis assez nombreuses sur des accacias voisins, suspendues à leurs branches basses, sous forme de boules grosses comme la tête d’un homme, absolument comme la Tête de nègre du Brésil.

Celle du Brésil bâtit, en effet, sa boule si singulièrement que, toute garnie, en dehors, de petits appendices, elle rappelle, à s’y méprendre, les cheveux crépus des enfants de l’Afrique.

D’en bas, le nid de mon Crematogaster ressemble beaucoup au guêpier de certaines espèces: mais je monte tout simplement dans l’accacia pour y regarder de plus près et je vois qu’il est beaucoup plus compliqué. Il est formé d’une multitude de ramifications courbes, mêlées et pelotonnées amenant toutes aux chambres et à des galeries extérieures.

J’ai su, à mon retour en France—car j’y suis revenu!—que l’on connaissait encore d’autres espèces ayant l’habitude de tenir leur abdomen redressé; c’est la fourmi de Kerby (Myrmica Kirbii) et la fourmi élargie (Formica lata). La première construit son nid sur les branches des arbres, comme le Læviceps, mais elle le compose de bouse de vache et elle a l’habitude de donner à ces matériaux la forme de tuiles qu’elle range comme sur les toits des maisons humaines. Ce n’est pas assez pour les rassurer contre les intempéries: elles savent placer, en dessus de leur fourmilière aérienne, un dôme, ou toit séparé qui se projette tout autour en avant de la circonférence du nid.

La seconde espèce que j’ai citée attache son nid aux branches les plus grosses des arbres; elle le construit aussi en bouse de vache, mais elle y mélange des feuilles.

Hélas! je n’étais pas au bout de mes étonnements et, aujourd’hui que, revenu à une tranquillité profonde, je repasse dans mon esprit tout ce que j’ai vu, je suis obligé de constater que nulle part n’existe rien d’aussi extraordinaire que la Nouvelle-Hollande. Si nous examinons les arbres, nous nous apercevons qu’ils ne donnent point d’ombre, quoique ornés de belles et larges feuilles, parce que ces feuilles, au lieu de se présenter horizontalement, comme chez nous, se tiennent verticales ou sur la branche. C’est pourquoi les forêts les plus épaisses, les plus splendides, comme arbres d’une hauteur prodigieuse, sont claires comme en plein champ et montrent un sol garni de hautes herbes comme une prairie. En Europe, sous les grands arbres d’une futaie, il ne pousse rien: le sol est nu, le jour est sombre, l’air frais. Là-bas, le soleil vous rôtit au milieu de la forêt la plus épaisse, comme au milieu d’un Sahara!

Autre bizarrerie pour nous autres fourmis: tous les arbres qui ne tiennent pas leur feuillage vertical portent des feuilles si découpées, si surdécoupées, qu’elles ne fournissent non plus aucun ombrage. Tous ces végétaux ont une odeur extrêmement forte, quelques-uns l’ont très agréable, mais la plupart sentent le camphre ou l’essence de térébenthine.

D’ailleurs, toutes les plantes et tous les arbres de l’Australie sont à feuilles persistantes: la plupart portent des feuilles longues et effilées qui pendent comme celles des saules pleureurs et descendent de branches gracieusement courbées. Quant à leur couleur, elle dépend de la saison, du sol et aussi de l’âge des arbres. J’ai trouvé dans les forêts des fougères en arbres, formées de larges parasols d’une richesse inimitable. Les tons du vert sont d’une richesse, d’une netteté dont nous n’avons aucune idée: plus clairs que nos arbres. Mais, ajoutez au-dessus un ciel bleu limpide, placez en dessous des terrains jaune chaud parsemés d’herbes jaunes et brillantes que la rosée fait éclore, éclairez tout cela d’un soleil splendide, et vous comprendrez pourquoi j’admire toute la journée!

Les oiseaux ne chantent point comme en France:—il y en a beaucoup moins de dangereux pour nous—au lieu des roulades du rossignol et de la fauvette, on n’entend que des cris particuliers; mais dans le nombre, il y en a d’une grande douceur, d’une expression plaintive et charmante. Ce qui m’étourdissait, c’est le nombre prodigieux des oiseaux; non, jamais la lande de Pora ne m’avait montré pareil spectacle!... Ils étaient partout, par escouades, sur les arbres, se poursuivant bruyamment, parés de leurs plumes rouges, vertes, jaunes, etc... J’étais éblouie!

Maintenant, dirai-je les animaux bizarres que j’ai rencontrés dans ces campagnes où je suis demeuré plus d’un an à trotter à droite et à gauche avant d’avoir pu trouver l’occasion de revenir au pays? La première fois que j’ai vu passer des kanguroos, je crus avoir devant moi un être ne possédant que deux pattes propres au saut et une queue puissante.

Un jour, dans le marais, au bord d’une rivière, je me trouve en face d’un être plus singulier encore: c’était une sorte de grosse taupe à courtes pattes, la tête terminée par un bec de canard! Je m’approche et je vois que ses pattes, surtout celles de devant, sont palmées, comme celles d’un oiseau d’eau. Il avait une queue de castor... Bientôt il s’enfuit dans un terrier énorme creusé derrière lui, et je le vois ressortir, près de l’eau, par deux issues, mais à une distance considérable!

Qu’est-ce cela? Un ami, depuis mon retour en France, me l’a nommé Ornithorhinque Paradoxal... Soit!... Quadrupède à bec d’oiseau m’aurait semblé meilleur dans la langue des fourmis rouges.....

Je n’étais pas encore à la fin de mes étonnements. Je me flattais que le tamanoir, notre terrible ennemi américain, ne reparaîtrait jamais à mes yeux; pas du tout! un animal existe là qui le remplace!...

Je me trouvais, un jour, dans un endroit découvert: j’étais monté—j’aimais beaucoup cela!—sur un long brin de roseau sec, quand des enfants arrivèrent en poussant de grands cris et tenant attaché par la patte un animal dont le corps, roulé en boule, me rappelle un hérisson gros comme un petit chien.

—Nicobejan! Nicobejan! criait un garçon.

—Jannocumbines!... chantait un autre...

—Cojera! cojera!! bien beun!... disait un jeune nègre frisé.

Quel était ce misérable animal, jouet de ces enfants sans pitié?...

C’était un Échidné épineux, notre ennemi, aussi dangereux que le tamanoir! Comme lui, sa tête se termine en une sorte de bec d’où sort une langue aussi longue, aussi bien enduite de glu que chez l’autre. Cette tête est attachée à un corps de porc-épic. L’animal fuit, dans un endroit découvert, avec une vitesse si extrême, que rien n’est plus difficile que de le capturer, d’autant plus qu’il est un fouisseur d’une telle puissance qu’il entre dans la terre aussi aisément que si elle était liquide.

—Ne le lâche pas!... Nous le perdrions...

—Bah! Il ne s’enfoncerait pas si vite que cela!.....

—Non?... essaie! L’autre jour, mon patron en a enfermé un dans une cour pavée: en dix minutes il a enlevé les pavés et s’est enfoncé dans le sol comme dans l’eau...

—Il a enlevé les pavés?...

—Comme des plumes!... Le patron disait qu’ils eussent été dix fois, vingt fois plus lourds, il les aurait arrachés tout de même, parce qu’il passe entre eux la pointe de ses grands ongles.

—Vous l’avez repris?

—Ah! ouiche!!... Comme c’est commode!... un animal qui se met en boule et qui ne présente plus que des épines pointues comme des aiguilles et qui vous déchirent les mains! Avec ça, quand on veut le prendre, il rue des jambes de derrière à tout déchirer avec ses griffes!

—La vilaine bête! Tuons-la!!!...

—Mais non, imbécile! Ne la tuons pas! Allons la vendre, nous en aurons un bon prix auprès de deux ou trois marchands de curiosités que je connais.

—Comment l’emporter?...

—Dame!... j’sais pas...

—Traînons-le sur ses piquants.

—Tu vas le tuer... et il vaudra dix fois moins.

—Faut chercher une voiture... La paiera-t-il?...

—Sans doute et bien au-delà...

—J’y vais. Attendez un peu!

L’enfant partit du côté de la ferme qu’on voyait dans le lointain.

—Pourvu, continua l’autre, qu’il ne fasse pas comme celui que le patron avait mis l’autre jour dans la caisse de son cabriolet!

—Qu’est-ce qu’il a fait?

—Mon cher, quand il est arrivé, on n’a pas pu, par aucun effort, le faire remuer. Il était attaché aux planches comme une patelle sur un rocher, la tête et le museau cachés en dessous de ses piquants. A la fin, le patron se rappela que quand nous voulons enlever des patelles nous passons dessous une lame de couteau; il m’envoya chercher une bêche, la passa sous l’animal et le souleva. Il se mit à braire dans le coffret et nous eûmes bien du mal à le prendre par une des jambes de derrière.

—Bah!

—Sans doute. C’est le seul endroit par lequel on puisse le tenir! aussi, tu vois bien que c’est par là que j’ai attaché le nôtre...

La voiture vint, les gamins y montèrent le malheureux échidné au moyen de la corde qui le tenait et partirent vers la ferme.

J’avais eu le temps de remarquer que tous deux—lui et l’ornithorhinque que j’avais vu—étaient des mâles, parce tous deux avaient, au pied de derrière, un fort éperon percé pour répandre une liqueur dans la plaie. La glande qui la fournit est même visible chez les deux.

Cependant, l’un et l’autre ne se servent jamais de cet éperon et sont absolument inoffensifs!

Dans quel but le portent-ils?

Chargement de la publicité...