← Retour

Psychologie des temps nouveaux

16px
100%

CHAPITRE IV
Raisons psychologiques de la débâcle allemande.

§ 1. — Surprise générale produite par la débâcle allemande.

Toutes les causes de la défaite allemande ne sont pas nettement déterminées encore. Il s’écoulera sans doute bien des années avant qu’elles soient définitivement éclaircies.

La débâcle germanique constitua pour beaucoup d’Allemands aussi bien d’ailleurs que pour les Alliés et les autres peuples, un des plus incompréhensibles événements de l’histoire.

Les explications fournies par le Livre Blanc que publia le gouvernement allemand ne contribuent guère à l’éclairer. Elles montrent seulement l’importance du rôle des facteurs psychologiques dans l’issue de la grande guerre.

C’est en raison de cette influence des éléments psychologiques que nous croyons pouvoir écrire quelques pages sur un sujet dont l’étude semble réservée aux écrivains militaires.


On se rend compte à quel point la défaite allemande était difficile à prévoir en relisant les discours des hommes d’État les plus éminents, peu de jours seulement avant l’armistice. Ils montrent combien demeurent parfois imprévisibles des événements fort prochains.

Parmi ces discours, un de ceux qui prouvent le mieux cette imprévision, fut prononcé le 23 octobre 1918, c’est-à-dire dix-huit jours avant l’armistice, par un des hommes alors les mieux documentés de l’univers, M. Balfour, ministre des Affaires Étrangères anglais. Il disait :

« La fin de la guerre n’est pas encore en vue. Nous n’avons pas lieu de supposer que nos ennemis vont, du moins les plus formidables d’entre eux, se désagréger devant la force morale et matérielle des puissances associées. »

La surprise de ce ministre fut naturellement très grande lorsque, quelques jours plus tard, l’ennemi s’avoua spontanément vaincu. Son étonnement se traduisit dans les termes suivants :

« Je ne crois pas que dans l’histoire du monde il y ait eu un changement aussi foudroyant, aussi important dans la fortune de la guerre que celui qui s’est produit entre mars et octobre. »

En France il nous restait également bien peu d’espérance. La veille même de la débâcle allemande nous avions presque perdu tout espoir de succès. « Le soir du 29 mai 1918, écrit un de nos brillants historiens M. Madelin, la victoire future de l’Entente eût paru hypothèse folle même à nos meilleurs amis. » Paris était sérieusement menacé. Jamais l’Allemagne n’avait paru plus près d’un triomphe définitif.

Ces citations ne montrent pas seulement combien la défaite allemande fut imprévue. Elles indiquent aussi à quel point nous étions mal renseignés sur l’état des armées ennemies. Notre manque de documentation à ce sujet est même singulier. Dès le 14 août, en effet, on le sait aujourd’hui, Ludendorff avouait à l’empereur que la guerre était perdue.


Les événements du début de l’année 1918 révèlent avec quelle rapidité la victoire changea de camp.

La transformation opérée en quelques mois fut vraiment prodigieuse puisqu’une série de défaites désastreuses pour les Alliés se termina par leur éclatant triomphe. Quelques lignes suffiront à rappeler ces immortelles pages de notre histoire.

Depuis le 21 mars 1918, les Allemands nous ayant déjà deux fois surpris nous avaient infligé de durs revers. Le 27 mai, nous fûmes surpris encore, au Chemin des Dames, c’est-à-dire d’un côté où leur présence n’était même pas soupçonnée. Ils nous y furent près de 100.000 prisonniers et s’emparèrent d’un immense matériel de réserve accumulé dans un secteur que nos chefs jugeaient inviolable.

A la suite de ce succès, la poussée des Allemands devint formidable. Le 27 mai au soir ils franchissent l’Aisne, le 29, ils prennent Soissons, le 31, ils sont sur la Marne, le 1er juin ils entrent à Château-Thierry.

Paris semblait alors tellement menacé que le gouvernement qui avait déjà envoyé en province ses grands services se préparait à vider la capitale de ses habitants. La situation paraissait désespérée.

Elle ne l’était pas, pourtant, puisque cinq mois plus tard l’armée allemande, forte encore de plus de 1.500.000 hommes, signait une convention qu’un général ne se résigne à subir que lorsque sa force combative est entièrement détruite.

Les conditions imposées étaient terribles, en effet, pour le vaincu. Reddition de la presque totalité de son matériel de guerre, abandon de l’immense flotte de cuirassés et de sous-marins orgueil de l’Allemagne, évacuation de l’Alsace qu’on avait juré de ne rendre jamais, acceptation des garnisons ennemies sur le Rhin, renonciation à toutes les colonies si lentement et si coûteusement conquises. L’Allemagne qui se croyait encore au faîte de la grandeur tombait brusquement dans un abîme d’humiliations.


Des événements aussi prodigieux constitueront une inoubliable leçon pour les peuples et les rois qui, confiants dans leur force, rêveraient de nouvelles conquêtes. L’Allemagne se croyait sûre d’un succès complet et rapide. Son organisation militaire et son armement étaient immensément supérieurs aux nôtres. Elle avait cent chances contre une d’être victorieuse et cependant elle fut vaincue.

Il faut donc bien reconnaître que dans les guerres modernes où des peuples entiers sont aux prises, l’imprévisible peut déjouer les plus savants calculs. A plusieurs reprises nous côtoyâmes l’abîme où tous les neutres s’attendaient à nous voir sombrer. Nous n’y sombrâmes pourtant pas, et l’Allemagne, malgré ses nombreuses victoires, fut finalement écrasée.


Les lois générales qui régissent le sort des batailles montrent que leur issue dépend le plus souvent de la valeur et du nombre des soldats, de la capacité des chefs et de la puissance du matériel.

Mais toutes les prévisions fondées sur ces évidences s’écroulent quand interviennent certaines circonstances fortuites, dont l’ensemble constitue ce que notre ignorance qualifie de hasard.

Ces circonstances méritent bien le nom de fortuites car il dépend de très peu de chose qu’elles se réalisent ou ne se réalisent pas.

La guerre mondiale se trouva précisément remplie de telles circonstances.

Parmi les événements prouvant à quel point le succès d’une guerre peut tenir à des circonstances imprévues nous citerons un fait rapporté par l’amiral anglais Percy Scott[4] qui montre combien la destruction totale de la flotte anglaise par les Allemands eût été facile.

[4] Fifty years in the Navy.

L’amiral raconte qu’ayant visité, en novembre 1914, à Scapa Flow où était réunie toute la flotte anglaise, l’amiral Jellicoë commandant cette flotte, ce dernier lui déclara que rien ne la protégeant elle pouvait être entièrement détruite en une nuit par quelques sous-marins.

Il est tout à fait incompréhensible, fait remarquer Percy Scott, que notre flotte n’ait pas été anéantie. La seule explication possible est que les Germains « ne pouvaient pas croire que nous fussions assez fous pour placer nos vaisseaux dans une position où ils pouvaient être facilement attaqués par des sous-marins ». Deux espions leur avaient bien signalé cette absence de défense, mais une telle déclaration parut si invraisemblable que les espions furent soupçonnés de trahison et fusillés immédiatement. Deux autres ensuite envoyés déclarèrent, pour éviter le sort de leurs camarades, que la flotte anglaise était aussi bien abritée que la flotte allemande dans le canal de Kiel. Les Allemands renoncèrent alors à tenter une destruction qui leur eût été si aisée et eût mis fin rapidement à la guerre. La révélation de cette situation, ajoute l’amiral, « sera sans doute la plus amère des pilules que les Germains aient jamais eu à avaler ».

On pourrait citer encore, parmi les circonstances fortuites ayant joué leur rôle dans l’issue de la guerre, le fait qu’elle eût été, sans doute, prolongée de beaucoup, si le général Mangin avait, comme je le raconte plus loin, suivi le conseil qu’on lui donnait de ne pas continuer son offensive.

Ces possibilités diverses et celles résultant des alliances que nous valurent les maladresses psychologiques des Allemands, montrent une fois de plus le peu de valeur de la théorie du fatalisme historique. Ce sont nos incertitudes et nos ignorances qui créent les prétendues fatalités dont nous sommes ensuite victimes.

§ 2. — Causes attribuées par les Allemands à leur défaite.

L’armée et la nation constituèrent chez tous les peuples, pendant la guerre, deux éléments réagissant constamment l’un sur l’autre.

Il est visible que le peuple russe fléchit avant que ses armées eussent été détruites, mais pour l’Allemagne on ne sait pas encore nettement qui céda le premier, de l’armée ou du peuple.

Les chefs des troupes impériales prétendent que ce sont les plaintes du peuple qui démoralisèrent l’armée, mais d’autres écrivains assurent au contraire que c’est la démoralisation des soldats qui entraîna celle de la nation.

Autant qu’on en peut juger aujourd’hui d’après les plus récents documents, il semble bien qu’à un certain moment le moral des généraux et de l’armée allemande se trouva fort déprimé. A l’appui de cette hypothèse se trouve la dépêche d’Hindenburg télégraphiant au moment de la discussion des projets de paix devant le Reichstag : « qu’il ne pouvait plus tenir ses troupes, qu’elles lui échappaient et que sans un armistice, il serait forcé de capituler avec l’armée entière ».

Cette mentalité ne fut pas seulement celle du dernier moment puisque, dès le 1er octobre, Ludendorff déclarait :

« Nous sommes dans une situation terrible ; à chaque instant, la rupture du front peut se produire. »

Armées fatiguées, généraux démoralisés, indignation d’un peuple déçu dans toutes ses espérances, telles semblent bien avoir été les causes de la débâcle.

Les polémiques des écrivains allemands restent cependant assez contradictoires. Le colonel Bauer, ami et compagnon de Ludendorff, déclare que : « La troisième et dernière offensive fut un échec, parce que Ludendorff avait sacrifié ses meilleures troupes en d’inutiles offensives. »

Dans la Frankfurter Zeitung du 26 janvier 1919, le commandant Paulus écrit :

« Dire que l’intérieur est seul cause de la défaite et seul a forcé Ludendorff à demander au chancelier d’engager des négociations en vue d’un armistice immédiat, n’est pas exact. A la fin de septembre 1918, l’armée allemande était déjà en retraite sur la ligne de résistance Anvers, Bruxelles, Namur, Thionville et Metz. Ce n’est donc pas le front intérieur mais le haut commandement allemand qui, par manque de capacités et de volonté est responsable de l’effondrement. »

En fait, les résultats des guerres modernes sont dus à une série de causes diverses qu’il faut étudier séparément pour saisir le rôle de chacune d’elles. Essayons de le faire maintenant.

§ 3. — Causes diverses contribuant à déterminer l’issue d’une guerre.

Rôles de l’esprit offensif et de l’esprit défensif. — A en juger par les enseignements de la dernière guerre, on pourrait dire de l’offensive ce qu’Ésope disait de la langue qu’elle est la meilleure et la pire des choses. L’esprit d’offensive causa nos premières défaites, mais il nous valut aussi nos définitifs succès.

L’esprit d’offensive ne cessa d’animer nos chefs au début de la campagne lorsque la victoire leur semblait assurée. Il représentait alors la doctrine de l’École de guerre.

Cette doctrine perdit bientôt son prestige à la suite de défaites répétées. Elle le perdit même au point que, malgré la supériorité de nos effectifs, nous demeurâmes immobilisés quatre ans devant les Allemands qui eux-mêmes voulant terminer leurs opérations en Russie avant de nous attaquer, restaient sur la défensive. Le principe de l’inviolabilité des fronts avait fini, je l’ai déjà fait remarquer, par devenir un dogme dans l’esprit de nos généraux.

Le fait que l’esprit d’offensive n’est qu’un des divers éléments dont l’ensemble permet de triompher se prouve par l’insuccès des Allemands dans leurs trois dernières grandes attaques, notamment celle du 27 mai 1918, qui après avoir conduit Ludendorff jusqu’à la rive gauche de la Marne, se termina par un échec.

Le moral du soldat se trouve évidemment stimulé par l’offensive et déprimé par la défensive. Mais il est plus déprimé encore par une offensive malheureuse.

C’est précisément ce qui arriva en 1914, au début de la campagne. Les Allemands, connaissant la doctrine de notre état-major, savaient que nous attaquerions et qu’en se retirant ils nous attireraient à leur poursuite sur des champs de bataille aménagés par eux, à Sarrebourg et à Morhange notamment. Ils y obtinrent en effet, des victoires signalées.

L’offensive représente en réalité une force morale qui doit s’appuyer sur des forces matérielles suffisantes et dirigées habilement. Mal préparée, les pertes seront d’autant plus élevées que l’esprit d’offensive des soldats aura été plus énergique. Nous en fîmes maintes fois l’expérience malheureuse pendant la guerre.

En résumé, la suprématie du feu et celle des combinaisons tactiques semblent des conditions préalables du succès de l’offensive. Si nos pertes de combattants furent aussi énormes, c’est que les Allemands gardèrent presque toujours la suprématie de l’artillerie.

Rôle de divers éléments psychologiques : idéal, confiance, surprise, etc. — A côté de l’esprit d’offensive il existe encore certains éléments psychologiques : idéal, surprise, unité de commandement, etc., que nous avons étudiés déjà, dont l’influence est incontestable, mais à la condition qu’elle soit combinée avec d’autres facteurs.

Aussi peut-on dire que le président Wilson a fortement exagéré en parlant de « l’irrésistible force spirituelle de l’armée des États-Unis, laquelle a terrifié l’ennemi ».

La puissance de cette force morale fut grande assurément, mais elle eût été bien faible sans un appui matériel.

La confiance représente un autre élément psychologique d’une portée considérable.

Considérable, mais également très insuffisante à elle seule et, parfois même, dangereuse. Au début de la campagne nos généraux se croyaient sûrs de la victoire et cette confiance contribua à nos premiers revers. Les généraux allemands possédaient une confiance aussi forte et elle entraîna successivement leurs succès et leur défaite.

Dans une interview, le maréchal Foch déclarait qu’il n’avait jamais douté de l’issue de la guerre : « A la guerre, ajoutait-il, c’est celui qui doute qui est perdu. On ne doit jamais douter. »

Assurément, mais les Allemands eux non plus ne doutaient pas du succès et cela ne les a pas empêchés d’être écrasés.

Rôle du nombre des combattants. — Le nombre des combattants a une importance évidente, mais non prépondérante cependant puisque, pendant plusieurs années, les effectifs de l’Entente, aussi bien sur le front français que sur le front russe, dépassèrent fortement ceux des Allemands et que nous ne pûmes alors ni les repousser ni même obtenir de succès partiels importants.

Si, malgré l’infériorité de leur nombre, les Allemands furent souvent victorieux, c’est qu’ils nous restaient fort supérieurs par leur artillerie, par leurs procédés de fortification de campagne et par beaucoup d’initiative.

Longtemps, nous crûmes le nombre des hommes plus important que celui des canons. Cette coûteuse erreur contribua fortement à la perte de quatorze cent mille hommes sur les trois millions de soldats environ que, par un effort gigantesque, nous avions amenés sur le front.

La confiance dans la puissance du nombre qui exerça une véritable fascination sur notre conduite de la guerre, continue à intervenir encore dans l’interprétation de ses résultats.

Suivant plusieurs écrivains militaires, les Allemands ayant engagé toutes leurs forces au cours des grandes offensives de mars, avril et mai, n’auraient plus gardé de réserves disponibles tandis que nous en possédions. D’où leur défaite.

En réalité, au 1er juillet 1918, l’ennemi avait encore en France plus de quinze cent mille hommes, disséminés, il est vrai, sur un front beaucoup trop étendu, ce qui le rendait faible partout.

Il était, dès lors, probable que des attaques en masse sur plusieurs points briseraient ce mince cordon. Mais il fallait, pour y arriver, que nous nous décidions à multiplier nos offensives de divers côtés. Or, les Allemands n’avaient aucune raison de supposer que nous les multiplierions puisque pendant quatre ans nous n’avions jamais osé tenter une telle opération. Toutes nos attaques antérieures n’avaient eu, en effet, pour but que des objectifs très limités.

C’était la doctrine du haut commandement. Ce ne fut pas heureusement celle du maréchal Foch quand il devint le maître, mais il rencontra beaucoup de résistance à l’exécution de ses ordres.

Le général Mangin rappelle, dans une interview publiée par Le Matin, qu’avant son attaque du 18 juillet, il était invité à la prudence.

— « Faites attention, me disait-on ; allez-y doucement et n’occupez que des positions où vous puissiez passer l’hiver. »

Les premières avances ayant réussi au delà des espérances, il était clairement indiqué de les continuer de proche en proche sur tout le front. Ce ne fut pas sans hésitation, pourtant, que cette offensive générale se réalisa. Dans l’interview citée plus haut, le même officier raconte qu’on lui ordonna de l’arrêter, alors même que l’ennemi reculait de toutes parts. L’intervention du généralissime Foch fut nécessaire pour lui permettre de continuer.

On peut considérer comme probable, aujourd’hui que si l’emploi habile des réserves joua un certain rôle dans la débâcle finale des Allemands, ce rôle ne fut nullement prépondérant.

Le facteur vraiment capital, fut d’avoir su profiter d’une attaque heureuse jetée sur le flanc de l’assaillant pour continuer une série ininterrompue de coups vigoureux sur toute l’étendue de la ligne.

Influence de l’expédition d’Orient. — Nous voici arrivés à une des causes de la défaite allemande, que n’invoquent guère les écrivains militaires français ou étrangers, mais qui, cependant, est peut-être, de toutes les influences énumérées jusqu’ici, une des plus importantes.

L’abandon de la lutte par les Bulgares et les Turcs, à la suite de nos succès en Orient, exerça, en effet, une démoralisante action sur l’esprit des généraux allemands et aussi de la population.

Turcs et Bulgares étant hors de cause, et les troupes autrichiennes en retraite les routes de Vienne et, par conséquent, celles de l’Allemagne se trouvaient ouvertes.

L’idée que les Français ravageraient à leur tour les provinces allemandes comme nos départements avaient été ravagés sembla si effrayante aux Germains, qu’une paix quelconque fut jugée préférable et c’est pourquoi, sans doute, ils mirent tant de hâte à solliciter un armistice, malgré la dureté des conditions imposées.

On voit à quel point fut heureuse l’initiative, si combattue en France, par beaucoup d’hommes politiques et par notre grand état-major, d’une expédition à Salonique. Elle ne servit à rien pendant plusieurs années, mais au dernier moment, quand un chef énergique remplaça le général temporisateur qui la dirigeait, elle devint la cause indirecte de notre victoire en Occident.

Si même nous avions attendu seulement quelques semaines avant d’accorder l’armistice, nous aurions pu le signer à Berlin, ce qui eût été d’une bien autre portée morale que de le signer sur notre propre territoire. Les Allemands n’auraient pu alors soutenir qu’ils n’avaient pas été militairement vaincus.


L’esquisse qui précède, montre de quels problèmes se trouve hérissée l’histoire de la grande guerre.

Notre exposé, bien que confiné surtout dans le domaine de la psychologie, a fait voir quelles incertitudes enveloppent les faits en apparence les plus faciles à connaître.

Dans les événements historiques, les moindres parcelles de vérité sont entourées de nuages qui les rendent bien difficilement accessibles. Les mêmes faits se trouvent transformés entièrement par les illusions et les passions de leurs narrateurs.

Nous sortons à peine de la guerre et déjà nous voyons combien sont contradictoires les récits publiés sur des points essentiels depuis les origines du conflit jusqu’aux causes de la débâcle germanique.

Ce n’est pas aux hommes d’aujourd’hui qu’il sera donné de connaître beaucoup de certitudes sur notre grande épopée. En histoire la vérité est toujours fille du temps. Il a fallu plus de cinquante ans de recherches pour éclairer les causes de la défaite de Napoléon à Waterloo.

La vérité ne peut être demandée aux acteurs des grands drames dont ils furent les héros. Entraînés par les événements ils les subissent et souvent même ils ne les comprennent pas.

Et c’est pourquoi, en histoire comme en sociologie, c’est le général surtout et non le particulier qu’il faut s’efforcer d’atteindre. Alors seulement les horizons se dégagent et, au-dessus des phénomènes éphémères, apparaît l’engrenage des lois éternelles qui en guident le cours.

Chargement de la publicité...