Deux années en Ukraine (1917-1919): avec une carte de l'Ukraine.
Le Coup d’État des Bolcheviks
Les choses en étaient là quand les maximalistes renversèrent, le 7 novembre, la République socialiste et nationale de Kerensky avec la même facilité que la Révolution libérale avait balayé, le 12 mars, l’autocrate Nicolas II.
Simple rapprochement: Le 5 novembre, deux jours avant le coup d’Etat de Petrograd, l’Autriche, par l’intermédiaire de la Russie, proposait aux Alliés d’entamer des pourparlers de paix. Ce pouvait être la fin de la guerre à brève échéance. Les Bolcheviks prenaient donc le pouvoir, la veille du jour où l’Autriche allait abandonner son alliée et sa complice.
Qu’est-ce donc que ces Bolcheviks tout d’abord connus sous le nom de maximalistes?
A l’origine, une vulgaire bande de voleurs, qui, au début de la Révolution russe, avaient chassé Mathilde Kchessinska de son palais, l’avaient pillée et dépouillée, s’étaient installés chez elle, puis avaient donné, dans la demeure de la célèbre ballerine, des concerts pour le peuple.
Depuis, ils avaient fait leur chemin.
Payés par l’Allemagne, excitant les appétits du peuple, favorisant ses plus bas instincts, ils avaient formé le parti bolcheviste—du mot russe bolchoï «plus grand»—qui s’emparait du pouvoir le 5 novembre. Ce parti enseignait la haine des «bourjouis», de la classe intellectuelle. Il promettait le partage des terres et en général de toutes les propriétés, en parties égales, chacun devant cultiver soi-même. Il défendait d’employer un salarié. Si un pauvre vieux, ou un malade ne peut travailler, il doit céder sa part à d’autres. Au bout de deux ans, un locataire d’un appartement en devient propriétaire. Les dépôts des banques sont saisis et partagés.
Que de merveilleuses promesses! Mais la plus belle de toutes, la plus désirée, est celle d’une paix prochaine.
Il semble donc qu’avec le régime bolcheviste, le bonheur va rayonner sur toute la Russie.
Hélas! A Petrograd, le Palais d’Hiver est bombardé, puis pillé par les matelots, les femmes-soldats sont jetées en cellule, les ministres, frappés à coups de crosse, les officiers assassinés. Beaucoup de personnes folles de terreur se jettent dans la Neva ou y sont précipitées. Kerensky s’enfuit.
A Moscou, c’est la lutte acharnée, chaque maison est une forteresse, la guerre des rues est terrible; l’artillerie s’en mêle, l’incomparable Kremlin n’est pas épargné. Beaucoup de morts, de part et d’autre, mais, comme Petrograd, Moscou passe aux mains de Lénine.
Odessa voit se dérouler des scènes effrayantes. Une usine d’alcool est pillée, une importante cave mise à sac. L’ivresse rend l’émeute plus horrible encore. Odessa voit se renouveler les noyades de Nantes.
A Kiev, l’on craint des troubles; mais les Cadets placent dans les rues des canons et des mitrailleuses: sauf quelques coups de feu et quelques victimes, la ville reste calme le premier jour.