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Deux années en Ukraine (1917-1919): avec une carte de l'Ukraine.

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Kiev avant la Révolution

Deux faits me frappent tout d’abord: la liberté extraordinairement grande accordée aux prisonniers de guerre et le respect presque exagéré que témoignent les soldats russes à leurs officiers.

Les prisonniers de guerre, presque tous allemands ou autrichiens, vont et viennent dans les rues de la ville sans aucune surveillance, du moins apparente. Très travailleurs et exerçant presque tous des professions, ils ont monté de petits commerces et de petits ateliers qui leur font réaliser de jolis bénéfices. «Cela est préférable à la guerre», me dit un moine-soldat qui veut bien me ressemeler une paire de souliers à un prix étonnant par sa modicité.

Les soldats russes, très nombreux à Kiev, puisque c’est de là que partent toutes les unités à destination du front roumano-gallicien, se montrent très profondément, trop profondément, à mon avis, respectueux pour leurs officiers. Dès que ceux-ci paraissent, les soldats s’arrêtent, se tournent face à l’endroit où l’officier va passer, frappent fortement le sol de leurs deux talons, portent une main largement tendue à leur shapka et dans un état de fixité et d’immobilité absolues, attendent que l’officier ait disparu dans le lointain.

Inutile de dire que la plupart du temps l’officier ne paraît pas s’apercevoir de ces marques de respect.

Dans les restaurants, les cafés ou les brasseries, un cadet, c’est-à-dire un élève officier, doit aller, la main dans le rang et en claquant les talons, demander à chaque officier présent, la permission de s’asseoir. Si un officier entre dans ces mêmes lieux, chaque officier se lève aussitôt et la salle résonne du timbre clair des éperons entrechoqués.

J’aurais été bien plus frappé si quelqu’un m’eût alors dit que deux mois plus tard ces mêmes soldats, non seulement ne salueraient plus leurs officiers, mais porteraient la main sur eux et que ces officiers, si fiers et si hautains, obéiraient à leurs soldats et les craindraient.

Et cependant il en devait être ainsi.


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