Deux années en Ukraine (1917-1919): avec une carte de l'Ukraine.
Productions du sol
L’agriculture est la principale occupation de la population ukrainienne.
D’après les statistiques officielles, la population rurale s’adonnant à la culture de la terre en Ukraine, serait de 85 0/0, c’est-à-dire qu’en Ukraine, il y aurait 34.200.000 habitants se livrant à l’agriculture. La densité de la population agricole de l’Ukraine serait donc sur un kilomètre carré de 46,7, alors qu’en Allemagne cette même densité est à peu près de 50 et en France inférieure à 50.
La raison en est peut-être l’excellente fertilité de la terre dont les 3/4 sont formés de terre noire ou terreau de toute première qualité. Aussi la surface cultivée est-elle de 45 millions d’hectares, c’est-à-dire 53 0/0 de tout le territoire ukrainien, alors que pour toute la Russie européenne, ce pourcentage n’est que de 26,2. Cette proportion de terre cultivée varie suivant les régions; elle est pour Kherson de 78 0/0; Poltava, de 75 0/0; Koursk, 74 0/0; Kharkov, 71 0/0; Voronège et Ekaterinoslav, de 69 0/0; Podolie et Tauride, de 64 0/0; Kiev, 57 0/0; Tchernigov, 55 0/0.
Il est difficile de savoir le chiffre exact de la production agricole de l’Ukraine. Cependant, on peut dire que la moyenne annuelle était au cours des années 1911-1915 de 275.000.000 de quintaux de céréales (froment, seigle, orge), 100.000.000 de quintaux de betteraves à sucre, 60.000.000 de quintaux de pommes de terre, 87.000.000 de kilogrammes de tabac, 6.000.000 de quintaux de graines oléagineuses, 1.000.000 de quintaux de chanvre, 600.000 quintaux de lin. L’Ukraine surpasse par sa production de céréales tous les autres pays de l’Europe.
Les méthodes agricoles des paysans ukrainiens sont des plus primitives et ne diffèrent en rien de celles employées il y a cent ans. Aussi, il n’est nullement douteux que le jour où l’Ukraine fournira à ses cultivateurs le moyen d’intensifier leurs cultures par des procédés plus modernes, la production agricole sera plus que décuplée. Dès que la vie normale aura repris son cours dans ces vastes steppes, les machines agricoles et les instruments aratoires y seront achetés en grande quantité et l’on y verra alors des moissons de plus en plus abondantes et des récoltes pouvant satisfaire les besoins, même de l’Europe occidentale.
En même temps que le seigle, le froment et l’orge, les paysans ukrainiens cultivent l’avoine, le millet, le sarrasin, les pommes de terre, les pois, les lentilles, le tabac, et les betteraves à sucre.
La sylviculture n’est pas encore très développée en Ukraine. La superficie boisée ne dépasse pas 110.000 kilomètres carrés, c’est-à-dire 13 0/0 de la superficie totale, alors qu’en France ce pourcentage est de 15, en Allemagne de 25,9, en ancienne Hongrie de 27,4, en ancienne Autriche de 32,7 et en Russie de 38,8. La principale cause se trouve dans le fait que le territoire ukrainien est formé surtout de vastes steppes plus propres à l’agriculture qu’à la sylviculture.
Les régions les plus boisées sont la Bukovine avec 42 0/0 (district de Kimpolung 78 0/0), la Polissya avec 38,2 0/0, la Volhynie avec 29,6 0/0, la Galicie avec 25,4 0/0 et Grodno avec 25,5 0/0.
En 1900, la Galicie a fourni 3.660.000 mètres cubes de bois ouvrable et une quantité à peu près égale de bois de chauffage, dont un million et demi a été exporté. L’exportation de bois de la Polissya est annuellement d’environ 900.000 mètres cubes.
Mais lorsque le peuple ukrainien aura été doté d’une réforme agraire qui présidera à une meilleure répartition des terres, il ne fait aucun doute que la sylviculture sera l’objet d’un très grand développement; elle deviendra plus rationnelle et l’Ukraine ouvrira un marché de bois mieux fourni et plus avantageux.
La culture maraîchère est peu développée en Ukraine. Si l’on en excepte les petits potagers qui se trouvent derrière chaque maison et les champs de melon dans les steppes, on ne voit pas de grandes cultures maraîchères, même dans le voisinage des grandes villes, sauf dans les régions de Tchernigov, d’Odessa et sur le Dnièpre, dans l’ancien pays de Zaporogs (Oleshki, etc...). Là seulement les légumes sont cultivées sur une grande échelle tant pour l’exportation que pour les besoins locaux.
Mais, comme pour la sylviculture, dès que la loi agraire aura donné à chaque paysan le lopin de terre auquel il a droit, beaucoup de cultivateurs s’efforceront de tirer de cette culture tous les bénéfices qu’elle peut leur donner.
L’arboriculture par contre, s’y fait sur une assez vaste échelle. En Podolie, les vergers seuls représentent une surface de 26.000 hectares avec une production d’environ 300.000 quintaux de fruits et 8.000 quintaux de noix et d’amandes. Mais c’est à Ialta, en Tauride, que la production annuelle atteint le chiffre le plus élevé: elle dépasse 260.000 quintaux de fruits et 40.000 quintaux de noix. C’est dans cette région que l’on trouve les plus belles espèces de pommes, de poires, de prunes, de pêches, d’abricots et en général les meilleurs fruits de toute l’Europe.
Dans les régions de Kiev et de Volhynie, on trouve les espèces de pommes et de poires des pays septentrionaux, et de délicieuses cerises. Les environs de Kherson et d’Ekaterinoslav et toute la vallée du Dnièpre produisent des abricots renommés. La région de Kherson possède également de nombreux vignobles dont la superficie totale est d’environ 7.000 hectares; mais la plus riche en raisin est la Tauride, dont la production de vin est annuellement de 250.000 hectolitres. Le sud de l’Ukraine donne bon an, mal an, environ 1.000.000 de quintaux de raisin fournissant près de 500.000 hectolitres de vin.
L’Apiculture est très en faveur chez les paysans ukrainiens. La production totale annuelle de l’Ukraine (sans la Galicie) était en 1910 de 125.000 quintaux de miel et de 13.700 quintaux de cire, c’est-à-dire 38 et 34 0/0 de la production totale de l’ancien Empire russe.
Les principaux centres d’apiculture sont le Kouban avec 326.000 ruchers, Poltava avec 305.000, Tchernigov avec 283.000, Kharkov avec 246.000, Kiev avec 242.000, la Volhynie et la Podolie avec chacune 206.000.
L’élevage de bétail se fait tout à fait en grand en Ukraine. On peut évaluer sa richesse en bétail à 26 millions de têtes. Les principaux centres d’élevage sont en Tauride et dans le Kouban: En Tauride, il y a pour 1.000 habitants 300 chevaux, 280 bêtes à cornes, 620 moutons, 110 porcs et dans le Kouban 340 chevaux, 540 bêtes à cornes, 800 moutons et 210 porcs.
Jusqu’au milieu du XIXe siècle, l’Ukraine méridionale, particulièrement Ekaterinoslav, la Tauride et le Kouban, était le marché lainier le plus abondant du monde entier. A cette époque, la concurrence australienne s’y est fait considérablement sentir et à l’heure actuelle, le marché ukrainien a perdu quelque peu de son importance.
L’élevage de la volaille est une des principales ressources de la population agricole ukrainienne: l’exportation des poulets, oies, canards, etc..., des œufs et des plumes est très importante et se dirige non seulement vers la Russie et la Pologne, mais aussi vers l’Autriche, l’Allemagne et l’Angleterre. En 1905, par exemple, l’Ukraine exporta plus de 600.000 quintaux d’œufs.