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Deux années en Ukraine (1917-1919): avec une carte de l'Ukraine.

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L’armée ukrainienne

Il est assez commun d’entendre, même dans les milieux qui devraient être bien informés, les versions les plus fantaisistes sur la formation de l’armée ukrainienne et d’y voir s’y accréditer les racontars les plus tendancieux.

La vérité est celle-ci:

Lorsque le bolchevisme, soutenu, sinon soudoyé par l’argent allemand, eut fait, dans les tranchées septentrionales russes, son œuvre de dissolution et partir de presque tout le front une grande partie de l’armée russe, les régiments ukrainiens avec les Cosaques du Don, furent les seuls à rester fidèles au devoir et à continuer la lutte à côté des alliés. Réclamés par Petlioura, alors commissaire aux Affaires de la guerre, qui voulait les soustraire à la contagion, malgré Kerensky dont le grand désir était de garder ces valeureux soldats au service de la Russie, ces régiments ukrainiens, malgré les promesses des Bolcheviks, descendirent du front de Riga sur le front méridional et avec leurs camarades du front russo-roumain, le défendirent contre l’invasion austro-allemande jusqu’en juillet 1917.

Fatigués par trois années de guerre au cours desquelles ils avaient participé à bien des combats, la gibecière aussi vide que l’estomac, trompés par de fallacieuses promesses, les Cosaques ukrainiens, comme les soldats russes, comme les Cosaques du Don, eurent leur moment de faiblesse.

Ce fut le mérite de Petlioura et ce sera sa gloire, quand le temps aura jeté sa patine sur les événements actuels, d’avoir pu reconstituer avec ces régiments, dont il élimina les éléments contaminés ou même simplement douteux, une armée parfaitement disciplinée qui, sans un seul murmure, courut avec un armement bien imparfait cependant et un ravitaillement plus que défectueux, à la frontière orientale de l’Ukraine où commençait à déferler la vague furieuse du Bolchevisme.

Et c’est pas à pas qu’elle recula devant le nombre, c’est après des luttes acharnées qu’elle céda du terrain et un bombardement de dix jours et des combats meurtriers qu’elle évacua sa capitale. Aussi, quand, dans les premiers jours de mars 1918, elle entra de nouveau à Kiev, elle y fut reçue par une foule en délire qui la couvrit de fleurs. Et ce sont ces soldats qui pendant deux années se sont battus comme des lions dans la guerre russo-allemande et qui depuis dix-huit mois luttent avec acharnement pour défendre l’intégrité et l’indépendance de leur patrie, que l’on ose calomnier!

Faut-il faire mention des bataillons que les Allemands formèrent avec les Ukrainiens prisonniers dans leurs camps de concentration? Les poilus français qui sont revenus d’Allemagne, aussitôt l’armistice signé, sont unanimes à déclarer que le régime auquel ils étaient soumis, aussi dur fût-il, n’était rien, en comparaison de celui imposé aux prisonniers de l’armée russe. Ce régime entraînait fréquemment la mort. Pourquoi alors, faire un crime à ces malheureux prisonniers d’avoir consenti à passer, puisqu’ils étaient ukrainiens et non russes, dans des camps où le traitement était plus doux et la nourriture plus abondante? Libres à eux, quand le moment serait venu, de consentir ou de ne pas consentir à ce que les Allemands, en échange de leurs bons procédés leur demanderaient. Il faut croire que leur conduite a été parfaite, puisque l’adversaire le plus acharné de l’Ukraine, écrit en parlant de ces bataillons qui sous sa plume se transforment en régiments: «Après Brest-Litovsk, on les envoya en Ukraine, mais ces régiments devaient causer d’amères déceptions à ceux qui les avaient si bien préparés: rentrés au pays, les «Joupanes bleus»—lisez les Ukrainiens—se distinguèrent bientôt par leur haine contre les Allemands qui furent forcés de les désarmer en avril 1918

Or, ces régiments sont les mêmes qui combattent aujourd’hui sous le commandement de Petlioura que l’on voudrait faire passer, malgré les nombreuses preuves de francophilie qu’il a données, pour un comparse des Allemands ou de Lénine et de Bela-Kun.


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