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Deux années en Ukraine (1917-1919): avec une carte de l'Ukraine.

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Visites de Français à Kiev

C’est alors que Kiev reçut la visite d’Albert Thomas et de Kerensky.

Tous deux avaient entrepris de visiter tout le front russe et en particulier le front gallicien, pour y relever les courages défaillants et enthousiasmer les troupes pour l’offensive qui, de l’avis de tous, devait donner le coup de grâce à l’adversaire et amener la paix à brève échéance.

Albert Thomas assista à plusieurs meetings pendant son court séjour à Kiev et au Club des Commerçants, où une réunion monstre avait été organisée, il se fit traiter d’impérialiste par les camarades socialistes auxquels il sut d’ailleurs répondre avec son esprit coutumier.

Aux Français qui lui furent présentés dans les salons du Consulat, il affirma la confiance du peuple français dans la victoire finale, et les chargea de remercier toute la colonie française pour le bon combat qu’elle soutenait loin de la patrie.

Kerensky prononça, lui aussi, plusieurs discours qui furent vivement applaudis; mais il était bien tard pour lancer à une offensive victorieuse des soldats qui avaient perdu toute discipline et tout respect pour les officiers.

Presque en même temps que M. Albert Thomas, la colonie française de Kiev eut à fêter la mission sanitaire qui arrivait directement de France, avec un personnel et un matériel des plus importants. Elle y venait installer deux hôpitaux pour le soulagement et la guérison des blessés et des malades russes et prouver au monde médical de Kiev que la médecine et la chirurgie françaises ne le cédaient en rien à la chirurgie et à la médecine allemandes.

Elle reçut partout le meilleur accueil et les salons kiévois, ukrainiens, russes, polonais ou israélites, se disputent à l’envi l’honneur de posséder les médecins et les officiers français.

Quelques semaines plus tard, arrivait également à Kiev, M. Jean Pélissier, le seul Français au courant depuis longtemps de la question ukrainienne et jouissant dans tous les milieux ukrainiens de la plus vive sympathie. L’ambassadeur de France en Russie, M. Noulens, avait l’heureuse idée de l’envoyer se documenter sur place sur la vraie nature du mouvement ukrainien et s’assurer qu’il avait bien le caractère démocratique affirmé par ses promoteurs.

Il faudrait des pages entières pour parler de l’activité dépensée par M. Jean Pélissier durant son séjour en Ukraine. Qu’il suffise de dire que l’envoyé officiel de M. Noulens fut le premier français qui visita la Rada et le Secrétariat général et de regretter, comme le regrettent presque tous les Français résidant à Kiev, que la voix de M. Pélissier n’ait pas été écoutée dans les sphères à même d’agir à ce moment-là. L’histoire dira plus tard quels désastres auraient été évités à l’Ukraine et quel beau fleuron la France aurait attaché à sa couronne, si aux longs rapports de quelques incompétences galonnées, on avait préféré les notes plus succinctes, mais plus fondées, de M. Jean Pélissier.

Cet afflux de Français arrivant de France donna une nouvelle impulsion aux Sociétés de propagande française de Kiev.

La plus importante, l’Alliance Française, en sommeil depuis la mobilisation de presque tous ses dirigeants, sentit le besoin de nommer un nouveau Comité dont l’intelligente activité devait avoir de si heureux résultats. Des conférences avec projections sont aussitôt organisées à l’Université Saint-Vladimir, dans le but de faire connaître à tous l’héroïsme des soldats français sur le front, le courage des femmes françaises dans les hôpitaux, l’effort de toute la France à l’arrière. Ces conférences et les représentations théâtrales qui mettaient à contribution toutes les bonnes volontés et tous les talents des membres de la colonie française, réunirent, chaque quinzaine, plusieurs milliers d’Ukrainiens, de Russes, de Polonais et d’Israélites, heureux de voir de plus près ces Français que les agents allemands représentaient comme abattus et désespérés et d’entendre une langue dont l’harmonie est encore trop peu connue à Kiev.


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