Deux années en Ukraine (1917-1919): avec une carte de l'Ukraine.
CONCLUSION
Le moment est venu pour les Puissances de l’Entente et tout particulièrement pour la France, de prendre une attitude vis-à-vis de la République ukrainienne. Il serait désastreux de continuer à lui jeter l’anathème et à l’abandonner, brebis docile, à l’influence de l’Allemagne qui aura vite fait, profitant de nos fautes, de l’accaparer à son profit et de la transformer en quelque colonie d’exploitation.
L’Ukraine vivra-t-elle dans une indépendance complète, formera-t-elle une fédération avec les Etats du Sud ou fera-t-elle partie de la grande fédération des peuples de l’ancienne Russie, c’est une question que l’Ukraine seule doit résoudre, car mieux que personne, elle connaît les besoins et les aspirations de son peuple. Actuellement, elle veut, comme la Pologne, la Finlande et la Lettonie, réunir tous ses fils sous un même drapeau et les faire vivre libres et indépendants. La France, cette grande protectrice des nations faibles et opprimées, voit se tendre vers elle les bras de tout le peuple ukrainien. Il n’est pas possible à la France qui a travaillé à l’indépendance de l’Amérique, de la Belgique, de la Grèce, de la Prusse, de la Roumanie, de la Serbie, de la Turquie et de la Tchéco-Slovaquie et à la résurrection de la Pologne, de ne pas prêter une oreille favorable à la prière du peuple ukrainien, quitte à prendre, comme pour la Pologne et les autres nouveaux Etats, des mesures qui garantiront l’avenir.
D’autre part, les aspirations nationales des Ukrainiens et leur résolution de vivre désormais unis, présentent un tel intérêt qu’elles doivent être sérieusement examinées, non seulement par les diplomates réunis à la Conférence de Paris, mais aussi par tous ceux qui ont à cœur de voir naître dans le monde une paix juste, réelle et durable. Les résolutions qui seront données à ces aspirations influeront incontestablement sur les rapports des Etats dans l’Europe de demain, car, les temps sont passés où les diplomates pouvaient, suivant leur bon plaisir et suivant les ambitions impérialistes de leurs pays respectifs, imposer aux peuples d’Europe des régimes qui ne répondaient pas à leurs aspirations.
Or, les Ukrainiens du XXe siècle ne consentiront jamais à rester ce qu’ils étaient avant la Révolution russe ni à devenir autre chose que des Ukrainiens. Frères des Français par leur conception de la Révolution, ils veulent travailler au raffermissement de leurs libertés et à leur propre bien-être, avec le concours et sous les inspirations des seuls Français. Aux Français de savoir mettre à profit les sympathies qui leur sont témoignées et la confiance qui leur est faite.