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Deux années en Ukraine (1917-1919): avec une carte de l'Ukraine.

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La Révolution russe à Kiev

Les premiers bruits d’une révolution prochaine commencèrent à circuler à Kiev dans les premiers jours de février. Des personnes se disant et paraissant bien informées me conseillèrent même de ne pas sortir ce jour-là car «dans la rue il y aurait certainement des émeutes et le sang ne manquerait pas de couler».

La journée du 26 février arriva. Je sortis comme d’habitude et ne vis aucune émeute; pas même la plus petite manifestation. La Révolution annoncée n’avait pas lieu. Elle n’était que retardée.

Les journaux paraissant à Kiev le 13 mars, annoncèrent à la population que le tsarisme avait vécu et que Nicolas II ayant abdiqué, la Russie entrait dans une ère nouvelle. Ce fut comme un coup de foudre. S’arrachant les journaux, les passants dévoraient la nouvelle et se jetaient dans les bras les uns des autres; ils s’embrassaient, riant et pleurant tout à la fois.

A voir les rues de Kiev, ce jour-là, personne ne se serait douté que l’Empire Russe venait de subir la plus épouvantable catastrophe enregistrée par l’Histoire et que le colosse septentrional allait être réduit en quelques semaines à une sorte de néant.

Des rassemblements se forment, des cortèges se mettent à défiler aux accents de la Marseillaise dans la rue Krechtchatik. Toute la ville est en liesse. A toutes les fenêtres, sur tous les édifices, des drapeaux rouges apparaissent sortant on ne sait d’où; de place en place, en travers des rues, de larges banderoles sont tendues portant des inscriptions variées mais dont les plus fréquentes sont: Vive la Révolution, vive la Liberté.

Les établissements scolaires étant fermés, j’eus toute la journée pour jouir du spectacle qu’offrait la ville; j’en profitai largement et petit-fils de la Révolution de 1789, je restai à la fois, surpris et émerveillé de voir cette foule, hier soumise au plus avilissant des jougs, passer tout d’un coup à la plus entière des libertés, sans un cri de haine, sans un acte vengeur.

Quatre jours après, la vie reprenait son cours, et il semblait que rien n’était changé. Les ouvriers se rendaient aux usines de guerre comme par le passé et les soldats partaient au front avec le même enthousiasme que la semaine précédente. A Petrograd, le prince Lvov, M. Milioukov et leurs amis mettaient sur pied le gouvernement libéral qui devait durer trois mois.


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