La conquête des femmes: Conseils à un jeune homme
PLAISIRS PHYSIQUES
(LES SIMULACRES)
Les femmes aiment les titres honorifiques, les situations importantes, l’argent, la beauté physique, la distinction, le prestige que donne l’admiration des autres hommes. Mais elles renonceront volontiers, et même avec orgueil, à tout ce qu’elles aiment pour un homme qui n’a rien que le don rare de leur donner, dans l’intimité de la nuit, du plaisir physique.
Une légende absurde montre les femmes du monde se livrant à leurs domestiques pour la seule joie de leurs sens. Rien ne semble prédisposer, ni leurs travaux, ni leur éducation, les gens de maison à l’habileté dans l’art de donner des caresses physiques.
Celui qui donne le plus de plaisir n’est pas le plus vigoureux ou celui dont le tempérament est conforme au tempérament de la femme. C’est celui qui en a le plus le goût imaginatif. Il donne une valeur inattendue à chaque caresse par l’amour avec lequel il la donne. Il multiplie à l’infini dans le domaine subtil des nerfs ces rayonnements de volupté si précieux aux natures sensibles.
Les femmes le reconnaissent à son regard, à ses silences, à ses timidités, à un je ne sais quoi qui se dégage de lui. Il porte dans ses mouvements une beauté qui n’obéit pas aux lois ordinaires de la beauté, et qui n’est perceptible que pour les voluptueuses.
Et celui-là est un grand maître qui possède assez de richesse pour donner à la fois la tendresse du cœur et le plaisir des sens ; même auprès des femmes les plus honnêtes, il peut se passer d’être estimé et toute mauvaise action lui est permise car l’homme le plus estimable pour les femmes est celui qui apporte la plus grande somme de plaisir.
Une femme dit : « Je veux être respectée. »
On doit se garder de se méprendre sur le sens de ces paroles. Elle fait allusion à un respect de forme, de détail, qui donne plus de prix au manque de respect ardemment sollicité par toutes les forces puissantes d’humiliation qui sont dans l’instinct de la femme. Elle a un grand désir de défaite. Sa défaite lui sera d’autant plus chère que nous lui aurons donné l’illusion de la victoire par notre politesse dans les conversations générales devant d’autres personnes, par notre galanterie tendre quand nous sommes seuls, mais seuls dans des endroits comme le théâtre ou les promenades, où le manque de respect ne peut pas se manifester librement.
Dès que nous sommes séparés du monde extérieur par une porte fermée et que grâce à une entente inavouée, mais certaine, nous sommes réunis avec la délicate bien-aimée pour nous consacrer à l’amour, nous pouvons nous permettre impunément des actes d’une irrévérence sans mesure. Des gestes dont l’audace dépassera la nôtre nous assureront aussitôt que nous sommes loin d’avoir atteint les limites permises.
Le respect est pour le monde ou pour le domaine de la convention sentimentale. Il faut, pensent les femmes, changer de ton selon l’heure qui convient, et elles ne sont nullement gênées de leur brusque transformation, tandis que nous nous croyons obligés, à leur égard, à des réticences et à des excuses.
Beaucoup de plaisirs physiques sont des simulacres. Cela tient à ce que la nature est avare des joies qu’elle nous donne. Nous avons honte de cette avarice. Nous nous flattons d’une capacité de bonheur que nous n’avons pas.
Il ne faut pas laisser aux femmes le privilège de ces simulacres de plaisir. L’on aime d’autant plus que l’on croit dispenser une immense volupté. A tout instant, dans l’amour physique, la femme donne les signes d’un bonheur qui n’est pas croyable. Ce n’est qu’à la réflexion que nous cessons d’en être dupe. Mais un doute plane et nous l’aimons davantage pour cela. Faisons comme elle.
Il est vain pourtant, quand on est dans les bras l’un de l’autre, à une heure tardive de la nuit, si votre maîtresse vous demande : « As-tu sommeil ? » de lui répondre : « Certes non ! » avec une intonation exaltée pour lui faire croire qu’on passera toute la nuit dans une extase divine de volupté, surtout si, quelques instants après, une respiration régulière trahit le sommeil profond dont on est frappé.